Chateau-Bien-Assis

Les Amis de Montluçon

Société d'Histoire et d'Archéologie

Moulins hydrauliques de Montluçon dans le Cher et ses affluents depuis l’Antiquité

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Montluçon comptait encore plusieurs moulins sur le Cher et ses affluents au début du XIXe siècle, avant qu’ils ne disparaissent avec la mécanisation de la meunerie. Ces fragments d’histoire sont précieux et leur recherche permet d’apporter des données historiques inédites sur l’occupation de la plaine de Montluçon, très mal connue avant le XIIe siècle ; les documents sur l’histoire de la ville n’étant guère conservés avant cette époque.

LES MOULINS DANS LE LIT DU CHER

 Deux moulins antiques

La zone de Maugacher, située en amont de la passerelle de la Glacerie, en périphérie Est de la vallée alluviale du Cher, a permis le relevé de treize moulins différents, mais sur une vaste période qui va de l’Antiquité à aujourd’hui. Maugacher faisait frontière entre deux petites paroisses de 600 et 300 habitants seulement, Blanzat et Châteauvieux, aujourd’hui rattachées à Montluçon. Dans cette zone, la rivière coulait autrefois dans un réseau de tresses fluviales, aisément aménageables en biefs. Au milieu du XIXe siècle, le Cher a été détourné dans un ancien lit contre la falaise, et un barrage a été construit en aval pour alimenter en eau une entreprise qui en consommait beaucoup : la Glacerie. Ce barrage, toujours entretenu, a heureusement préservé sous quelques mètres d’eau le site et ses fragiles meules en grès.

Des datations radiocarbone ont été réalisées et une expertise a été faite sur l’ensemble du corpus des meules – meules à céréales en grès – montant à 36 meules et fragments de meules, ainsi que sur une petite meule votive antique trouvée en 2008 à Montluçon.

La période antique, pour laquelle les données se multiplient depuis peu d’années à travers plusieurs chantiers préventifs et programmés dans la ville, a été complétée en 2012 avec la découvertes de deux moulins hydrauliques dans cette zone du Cher, avec présence de meules et de blocs d’architecture. Or, l’activité de meunerie hydraulique antique constitue généralement un témoin d’une agglomération ou d’un domaine important.

Cinq moulins du haut Moyen Âge et déjà une ville avant l’an mil ?

Le Haut Moyen Âge (du Ve au Xe siècles), également mal documenté à Montluçon, voit se rajouter quatre moulins dans la zone de Maugacher. Deux d’entre eux sont situés par le C14 aux VIIIe-Xe siècles. Les deux autres viennent les compléter, avec les datations C14 faites les années précédentes par notre équipe à Montluçon (pont et moulin du VIIe-Xe siècles), permettant de reconsidérer certaines données de textes apocryphes médiévaux parlant d’une ville fortifiée à Montluçon au VIIIe siècle.

De surcroît, l’étude du chêne utilisé pour une grande sablière-basse des VIIIe-IXe siècles montre que cet arbre a été prélevé dans un espace de plaine ouverte, cultivée et en partie céréalière en fonction des moulins. Un des moulins garde enfin les éléments d’un bief à plessages aménagé apparemment pour une activité complémentaire de pêche.

Pour compléter cette période, il convient de rajouter les bois d’un cinquième moulin situé entre le pont du Châtelet et la passerelle des Nicauds, qui a été daté des VIIIe-IXe siècles.

On a donc une activité d’agriculture importante aux VIIIe-Xe siècles, sur une voie de circulation majeure, avec le seul autre pont à 50 km de distance, et une activité importante de meunerie qui montre qu’il y a une population à nourrir. De plus, les droits de l’eau étant des droits régaliens, l’établissement d’ouvrages hydrauliques dépend d’un pouvoir souverain puissant. Montluçon semble déjà bien exister.

Les moulins du Moyen Âge classique

À Maugacher, deux sites sont médiévaux, probablement du Moyen Âge (XIe-XIIIe siècles), les archives de la ville gardant la situation des moulins de la fin du Moyen Âge (XIVe-XVe siècles), situés plus en amont, sur l’île de la Grave en amont du pont St-Pierre. Un autre moulin du XIVe-XVe a été daté sur le site de La Rivière (Désertines), où une seigneurie était située. Les soubassements de l’ancien château se devinent assez bien dans les parties basses d’une ferme voisine.

Les moulins modernes et contemporains

 À Maugacher, deux sites sont des XVIIe-XVIIIe siècles et au Moulin de la Rivière à Désertines, un emplacement complémentaire de cette période a été découvert. Le dernier Moulin de la Rivière a été bâti au début du XIXe siècle, et montre sous l’eau l’établissement d’une passe marinière. Elle était destinée à laisser passer les radeaux de bois qui flottaient depuis Montluçon, le long du Cher, jusqu’à Vierzon. Un autre emplacement des XVIIe-XVIIIe siècles a été découvert dans le Cher, près du gué de Bedet, le toponyme pouvant désigner un bief. Enfin, les restes du Moulin de la Roche sont toujours visibles, sur la rive gauche, en aval du pont des Îles. Ce moulin a été abandonné à la fin du XVIIIe siècle.

Des meules en grès exportées loin le long des rivières

L’abondance, la couverture chronologique de l’Antiquité au Moyen-Âge, la grande diversité de formes et de types de grès des meules de Maugacher présentent un corpus exceptionnel. Ce sont toutes des meules à céréales, taillés dans des grès de provenances proches ou de carrières éloignées de 50 km au plus.

Ce corpus met en lumière une exploitation méconnue de carrières meulières dans tout le bassin du Haut Cher, depuis les zones de grès houillers du sud (Montvicq 03) jusqu’à des faciès de la cuirasse sidérolithique de la forêt de Tronçais (Le Brethon, Vallon-en-Sully, etc. 03), ainsi que des exploitations mieux connues, comme celle de Buxières-les-Mines (03), ou encore de St-Christophe-le-Chaudry (18) pour les meules antiques. Cette activité d’exploitation de grès meulier est à mettre en relation avec d’autres découvertes de meules en grès provenant de l’Allier trouvées, pour le haut Moyen-Age à Bruère-Allichamps (18), et pour l’Antiquité à Chartres (28).

Et d’autres moulins sur les ruisseaux du Cher

Le cadastre de Montluçon de 1811 montre encore plusieurs moulins en activité dans la ville. Au Diénat, le Moulin de Crochepot est présent sur des plans du XVIIe. Il était toujours en activité à l’époque contemporaine, comme moulin à grain, mais aussi à chanvre. Au XXe siècle, il a été modifié pour produire de l’électricité et a continué son travail jusque dans les années 1990.

Le Moulin des Étourneaux a disparu, lors des différents recalibrages du ruisseau qui coule au pied du quartier de Bien-Assis.

Le Moulin de Saint-Jean était situé sur le ruisseau de Polier, juste en amont du pont de l’avenue JF Kennedy. Il en reste un pan de mur.

En 1960, une partie de la commune de Néris a été rattachée à la commune de Montluçon. Deux moulins s’y trouvaient : le Moulin du Guéry, dont il ne reste rien, et le Moulin de Nerdre, dont la grange est conservée au début sud de la rue de Rimard. Ce moulin est présent sur un plan terrier et c’est peut-être bien lui qui est représenté sur le panneau de l’Annonciation du polyptique de Notre-Dame.

Pour en savoir plus

Voir bulletin [3S, n° 68, p. 33-50 – 2017] : Moulins hydrauliques de Montluçon depuis l’Antiquité : témoignages archéologiques de la vallée agricole à la ville

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