Chateau-Bien-Assis

Les Amis de Montluçon

Société d'Histoire et d'Archéologie

Des plaques et des rues : hommage à Maurice MALLERET

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C’est à travers l’ouvrage de Maurice MALLERET, décédé le 3 octobre 2021, historien régional et secrétaire général des Amis de Montluçon pendant de longues années, que le conférencier Alain Gourbet a mené son auditoire à la découverte de Montluçon « de la meilleure façon… à travers le nom de ses rues ».

C’est en 1945, par un arrêté municipal du 8 février, que Montluçon commence à donner un nom à ses rues. Sur les 685 rues recensées par Maurice Malleret, 180 noms ont une connotation particulière avec l’histoire de Montluçon.

Maurice MALLERET (1931-2021)

La rive droite du Cher

Les portes et les faubourgs

Pour endiguer les assauts de l’envahisseur anglais, les Ducs de Bourbon, protecteurs de la ville, la dotèrent de remparts au milieu du XIVe siècle. Ces murailles étaient percées de quatre portes : la porte des Cordeliers, la porte des Forges, la porte Bretonnie et la porte Saint-Pierre.

Entre ces portes se développaient des faubourgs aux noms évocateurs.

La rue de la Gironde tient son nom de ses occupants de l’époque : les bouchers, qui au Moyen-Âge étaient surnommés les « Girauds ».

La rue de la Lombardie doit son nom à l’installation de trois marchands lombards qui y exerçaient leur activité de banquiers.

La rue des Anciennes-Boucheries, dédiée aux bouchers qui utilisaient le Lamaron pour évacuer leurs déchets, s’est aussi appelée rue de la Tuerie ou rue de l’Abattoir.

La rue des Rémouleurs, grande rue du faubourg Saint-Pierre, conduisait aux moulins de coutellerie installés sur une île, au milieu du Cher.

La rue du Faubourg Saint-Pierre était le lieu de vie des hôtels et des cabarets. L’actuel carrefour Saint-Pierre s’appelait place des Châtaignes, lieu de marché. Là se trouvaient le gibet et une croix de carrefour.

Sur un ton plus léger, la rue du Pet-en-l’Air, aujourd’hui rue du Furet, faisait référence à un usage ridicule.

La porte Fouquet fut la cinquième porte ouverte dans les fortifications de Montluçon. Suite à la disgrâce de Nicolas Fouquet, surintendant des finances de Louis XIV, sa mère et son épouse se retirèrent à Montluçon. Afin d’abréger le chemin qui menait à l’église Saint-Pierre, ces dernières obtinrent de la ville le droit de percer à leurs frais une porte qui prit le nom de porte Fouquet.

Les congrégations religieuses

Les Cordeliers, les Capucins, les Ursulines, les Bernardines, les Dames de Saint-Maur font référence aux congrégations religieuses qui se sont installées à Montluçon.

On doit notamment à Louise-Thérèse de Montaignac, de l’ordre des Oblates du Cœur de Jésus, la construction de la chapelle de la Croix-Verte.

Quelques lieux emblématiques de Montluçon

Le boulevard de Courtais suit le tracé des fossés, le long des anciens remparts de la ville. Cette artère porte le nom du vicomte Amable Gaspard Henri de Courtais, né à Montluçon, ancien officier de l’armée Napoléonienne. Le boulevard de Courtais, dans les années 60/70, était appelé familièrement le « bitume ».

L’esplanade Louis II de Bourbon et le passage du Doyenné sont des lieux emblématiques du vieux Montluçon. La légende raconte que l’on devenait « bredin » si on touchait de la tête une des pierres sculptées qui décorent ce passage couvert.

La rue Sainte-Anne a été ainsi prénommée au XVIe siècle en hommage à Anne de Beaujeu et Anne de Bretagne venues visiter la ville. Une statuette de Sainte-Anne se trouve dans une petite niche à l’angle de la place Sainte-Anne.

Ces statuettes de saints placées à l’angle des rues permettaient à la population, illettrée à l’époque, de se repérer, comme nous le faisons maintenant avec les plaques de rue.

La rue des serruriers doit son nom aux artisans qui y œuvraient, aux côtés des cordeliers et tisserands car les corporations avaient coutume, à cette époque, de se regrouper. Une silhouette de chat à la poursuite d’un oiseau se trouve sur le toit d’une des maisons de cette rue. Photo 450

L’impasse des serruriers s’appelait autrefois rue Casse-Cou, à cause de la chute d’une passante tombée lourdement dans la pente glissante.

Un peu plus loin, la rue Comtesse doit cette appellation à l’une de ses habitantes, que tout le monde appelait « Madame la Comtesse ».

Lorsque l’on se promène dans les vieilles rues de Montluçon, on remarque certains passages étroits entre les maisons. Ces vestiges de l’urbanisme médiéval, appelés « andrones », servaient à éviter la propagation des incendies, ou permettaient aux propriétaires de disposer d’un « tour d’échelle » pour réparer leurs murs. Le passage du Darot, le plus connu, est celui qui relie par des escaliers la rue de la porte-Bretonnie à la place François Maugenest. C’était le chemin situé derrière le château.

Au-delà de la place Maugenest, la rue du Petit-Château qui longeait le rocher doit son nom au Château-Jaune qui fut détruit en 1965.

La place des Toiles est celle du marché aux céréales (marché-au-bled) où se regroupaient les marchands. La place de la poterie est située sur l’emplacement de l’ancien cimetière Saint-Pierre. Un maître-potier Antoine Clément s’y installa.

Une légende racontant qu’un jeune homme éconduit s’était jeté dans un puits a donné le nom de rue du Puits-d’Amour devenue Dieu-d’Amour à une voie à proximité de la place de la Poterie.

La place Pierre-Petit porte le nom d’un grand savant montluçonnais, né à Montluçon, contemporain de Descartes et Pascal. Il sera l’auteur de nombreux ouvrages scientifiques.

L’architecture emblématique des maisons au Moyen-Âge

Le rez-de-chaussée, construit en pierres, empêchait l’humidité de remonter dans les étages, étant donnée la proximité du Cher. Le premier étage était une structure en bois comblée par du torchis, avec une avancée en encorbellement, et aux couleurs vives. Une odeur nauséabonde régnait à cette époque dans les rues de la cité car la population déversait ses eaux usées par la fenêtre.

La rue des Cinq Piliers était ainsi dénommée en raison des piliers de pierre qui soutenaient l’étage en encorbellement d’une de ses maisons. Photo 927

La maison des Douze-Apôtres est l’une des plus belles demeures de la vieille ville. A l’angle de chaque fenêtre figuraient des statuettes représentant les douze apôtres. La seule figure qui reste sur la façade est un serpent.

La rue de la Fontaine doit son nom à la fontaine Notre-Dame qui alimentait la ville en eau potable.

Fontaine, rue de la Fontaine

Au numéro 5 de cette rue, le linteau porte une inscription en latin datée de 1594 qui correspond au psaume 30 v. 2 de la Bible : In te Domine speravi, non confundar in aeternum. La croix de Jérusalem fait référence au pèlerinage des Croisés pour aller délivrer le Saint-Sépulcre.

Les quartiers de la rive droite du Cher

Le quartier de Montgâcher

Ce nom provient probablement de la déformation du « gagier », tenancier à gages d’un bien.

Avant la construction de la passerelle des Biachets, un bac permettait aux ouvriers de l’usine Saint-Jacques habitant sur la rive droite de traverser le Cher pour se rendre à leur travail.

La rue de l’Octroi doit son nom à l’ancien bureau municipal situé à la limite de la commune de Désertines.

La rue des Conches : c’est là que se trouve la source-mère de la fontaine Notre-Dame qui depuis des siècles donne son eau à la ville. Les bornes-fontaines étaient coulées dans les usines des Hauts-Fourneaux et les Montluçonnais venaient y chercher de l’eau pour leur usage personnel.

Le quartier du Diénat

La rue du Chevau-Fug illustre une coutume de la Pentecôte où un des participants en costume militaire chevauchait un cheval en jupon et simulait un combat avec d’autres participants.

La rue du Couvent-Saint-Maur évoque le passage des religieuses. À cet endroit a été édifié le lycée Mme de Staël.

Un ancien crassier a été le lieu de dépôt au Diénat de tous les résidus des usines montluçonnaises. Cela a servi de remblai lorsque le viaduc de Marignon a été emporté par une crue du l’Amaron en 1855 et a permis de créer un talus facilitant le passage du chemin de fer à ficelle. Après ce remblaiement, une partie du terrain correspondant au bout du quartier du Diénat fut complètement isolée et prit ainsi le nom de chemin de Robinson.

Allée du Chemin de Fer à ficelle

Le stade vélodrome du Diénat devint stade de rugby puis fit place en 2015 au boulodrome Christian Fazzino.

Le quartier de Chantoiseau

La rue de la Grève aboutit sur les bords du Cher, la grève signifiant un terrain couvert de gravier au bord d’une rivière, et la rue des Ribes – ribe en patois signifiant rive – est située sur les bords du Cher. La rue Chantoiseau fait partie de ce quartier.

Le quartier de Rimard

Le nom et le lieu de Rimard figurent sur la carte de Cassini de 1759, au lieu-dit Rimas. La rue Mizault rend hommage à Antoine Mizault qui fut médecin avant de se lancer dans l’astrologie. La rue de Nerdre est citée dès 1445 dans le terrier Saint-Nicolas sous le nom de Neardres.

Quartier des Faucheroux et Quartier Saint-Jean

Ce quartier fait référence à un nom de domaine appelé Font Chérol. Cet emplacement est aujourd’hui occupé par le parc des Ilets et l’espace Boris-Vian.

Dans le prolongement de la rue des Faucheroux, le village de Saint-Jean tirait son nom de la commanderie de Saint-Jean située dans le parc Saint-Jean.

L’avenue Henri-de-la-Tourfondue rappelle le mécénat exercé par ce personnage montluçonnais envers de nombreuses sociétés sportives montluçonnaises.

Le gué des Isles était le seul endroit pour traverser le Cher dans ces parages. On peut penser que Bedet était le nom d’un passeur de ce gué commémoré par la rue du gué de Bedet.

La rive gauche du Cher

 Le quartier de la Ville-Gozet

L’appellation de Ville-Gozet fut donnée par dérision à ce quartier en référence à un personnage haut en couleurs, Jean Lebourg surnommé Gozet, cabaretier de son état, très porté sur la boisson.

La rive gauche du Cher était le quartier des ouvriers où se trouvait la plupart des usines, alors que la rive droite était celle des notables.

Le besoin en logements pour abriter toute la population ouvrière puis le déclin progressif des industries ont fait que ce quartier a subi une importante transformation urbaine au fil du temps.

La rue Pierre Leroux conduisait au cimetière Saint-Paul. Elle s’appelait autrefois rue du Paradis.

Le quartier des Marais et de Blanzat

Le domaine de Blanzat, qui appartenait aux Ursulines, fut intégré à la commune de Montluçon en 1794.

Plus loin, les Marais formaient alors une zone insalubre. Des ateliers de travail qui utilisaient des chômeurs furent créés pour assainir cette zone.

La rue Marcel-Duplaix dans la cité des Droits-de-l’Homme, porte le nom de l’édile municipal qui a contribué à sa création.

En remontant sur le plateau, on arrive à Villars où se trouve actuellement un aérodrome.

Le quartier des Fours-à-Chaux

Des fours à chaux utilisaient la pierre à chaux extraite de carrières locales, d’où la présence de la rue des chaufourniers dans ce secteur.

A proximité, la place de la Tannerie abritait dans le quartier des Nicauds une tannerie, encore présente en 1865 suite à l’installation du nouvel abattoir, rue de l’Abattoir.

En remontant la rue Jules Guesde, on arrive à la caserne Richemont qui est l’œuvre de l’architecte montluçonnais Gilbert Talbourdeau. Cette caserne doit son nom au général d’Empire Louis Auguste Camus, baron de Richemont. Après avoir accueilli plusieurs régiments d’infanterie, dont le 121e, ce lieu abrite désormais l’École de sous-officiers de gendarmerie depuis le 1er août 1976.

Le quartier de Bien-Assis

Le château de Bien-Assis, manoir du XVe siècle qui figure sur la carte de Cassini, a donné son nom au quartier qui l’entoure. Condamné à la destruction, ce site a été sauvé en 1970 puis restauré par les Amis de Montluçon sous la présidence d’André Guy. De ce fait, l’esplanade du château porte le nom d’André Guy, en hommage à son action de sauvegarde. Des logements sociaux, les cités de Bien-Assis, ont été construits dans les années 1970 dans ce quartier.

Quartier des Guineberts et de Fontbouillant

L’augmentation de la population a entraîné la construction de nombreux logements sociaux dans le quartier de Fontbouillant.

Une allée porte le nom de René Bourgougnon, grand érudit local. Ce dernier, professeur d’histoire-géographie et ardent défenseur du patrimoine industriel de Montluçon, est co-auteur de l’ouvrage « Montluçon au siècle de l’industrie ».

Une carrière a été ouverte dans le quartier des Guineberts, permettant la construction à Montluçon en 1934 des premières cités d’habitations à bon marché (HBM).

La rue Buffon (anciennement rue d’Hume) qui monte sur la colline des Guineberts fait référence à Georges Leclerc, comte de Buffon, écrivain, naturaliste, qui fut directeur du Muséum pendant un demi-siècle.

Quartier des Îles (autrefois des Isles)

La cheminée de l’usine des Fers creux qui se dresse à proximité du pont des Îles est l’unique vestige industriel du bassin de Montluçon.

La rue Romaine fait référence à l’ancienne voie romaine qui reliait Limoges à Autun, et la rue Appienne provient de l’existence d’une villa qu’aurait possédée un proconsul des Gaules, Lucius Appius.

La rue de la Mange doit son origine à une fête de la « roulette des œufs » qui avait lieu le lundi de Pâques au bois des Monges, actuel bois de la Brosse.

Des noms des rues liés au passé industriel

La rue du Canal de Berry est symbolisée actuellement par un espace jardin humide. De nombreuses voies alentour, quai Louis-Blanc et quai de Normandie, rue de la Gare d’eau, rue des Éclusiers ou encore plus récemment, rue des Molussons, des Gabares ou des Berrichonnes nous renvoient au temps des haleurs ou « canalous », surnoms donnés aux mariniers du canal de Berry.

Les rues du Travail, de la Verrerie, de la Glacerie, de l’Industrie, des Usines, des Chaufourniers, des Fondeurs, des Métallurgistes rappellent le passé industriel de Montluçon.

La rue de la Glacerie, avec la Cité de la Glacerie, les rues Georges-Monnet, Jean-Eudes, Charles-Hennecart sont en rapport avec cette entreprise devenue Saint-Gobain. Les rues des Frères-Martenot, Georges-Albert-Charpy, Alexandre-Duchet, Benoist-d’Azy et Nicolas-Rambourg sont aussi les témoins de ce fort passé industriel. La rue Dunlop se situe sur le site de l’usine, d’où son nom.

Le pont Saint-Jacques, construit en 1979, illustre l’emplacement de l’entreprise de fonderie aujourd’hui disparue et remplacée par le centre commercial éponyme. Le centre Athanor implanté depuis 1985 sur ce site a emprunté le nom d’un four d’alchimiste.

De l’autre côté du Cher, le Quai Forey renvoie à l’époque des Hauts-Fourneaux dirigé par Miltiade Forey fin XIXe siècle.

Le chemin de Marignon est une évocation du Chemin de fer à ficelle et la rue Pierre-Troubat est un hommage au fondateur des Cires Françaises.

Des noms de rues dédiés aux personnalités politiques

La rue Joseph-Chantemille évoque la mémoire de celui qui fut maire de 1881 à 1885 et fit construire plusieurs écoles, notamment l’école Salicis.

On doit à Jean Dormoy, maire de 1892 à 1896, la construction de l’Édifice communal à proximité de la place qui porte son nom.

La rue Paul-Constans rappelle l’action du maire Paul Constans qui succéda à Jean Dormoy de façon discontinue jusqu’en 1925.

L’avenue Marx-Dormoy, auparavant appelée avenue Napoléon III, comporte la statue en gisant de Marx Dormoy par le sculpteur Yensesse. Cette avenue rend hommage à celui qui fut maire, député puis ministre de l’intérieur (1937-1938) et connut une fin tragique.

La rue Lucien-Menut, la rue André-Southon, l’avenue Jean-Nègre et dernièrement la rue Maurice-Brun commémorent l’action des maires dans la ville de Montluçon.

La place Édouard et Georges Piquand rend hommage à deux personnages incontournables : le père, Édouard, juge d’instruction, et le fils, Georges, médecin et chirurgien réputé qui fut brièvement maire en 1950.

Des noms de rues dédiés aux artistes, écrivains, résistants, médecins, architectes

La comédienne Gabrielle Robinne, le compositeur André Messager, les peintres Pierre Leprat, Lucien Pénat, le peintre et sculpteur Ferdinand Dubreuil, l’artiste Louis Blanchard alias Florane, le peintre Louis Neillot ;

Les historiens Achille Allier et le chanoine Joseph Clément, les écrivains Lily Jean-Javal et Ernest Montusès ;

Les résistants André Callame, Henri et René Ribière, Jean-Louis Gayon et Louis Bavay ;

Les médecins Jean Billaud, Robert Gagne, le docteur Coulhon, le chirurgien Marcel Francillon ; L’architecte Gilbert Talbourdeau, qui a œuvré pour l’hôtel de ville, le théâtre et la caserne Richemont…

Tous ont laissé une empreinte indélébile dans la mémoire montluçonnaise et les plaques de rue témoignent de l’héritage qu’ils nous ont laissé.

Pour en savoir plus

Maurice MALLERET : Pour voir Montluçon d’une autre façon : l’histoire, les monuments, les hommes célèbres, les artistes à travers les noms de rue. 1989, Éd. des Cahiers bourbonnais

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