Chateau-Bien-Assis

Les Amis de Montluçon

Société d'Histoire et d'Archéologie

La SAGEM à Montluçon, 80 ans à tire d’aile

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Ce vendredi 10 février 2017, Alain Gourbet a survolé à tire-d’aile 80 années d’épopée industrielle devant le public des Amis de Montluçon, en invitant chacun à feuilleter l’album de famille pour retracer l’HISTOIRE… de la SAGEM à Montluçon.

Cette saga familiale commence en 1925, année au cours de laquelle Marcel Môme, jeune ingénieur clermontois des Arts et Métiers, (originaire du Bourbonnais par sa famille), formé par Michelin, monte à Paris avec ses amis, et fonde la Société d’Application Générale d’Électricité et de Mécanique (SAGEM). Cette société, installée avenue de Clichy, va travailler dans des domaines variés : outillages et pièces de moules pour Michelin, le Chemin de Fer, la TCRP, ou pour la fabrication de matériel cinématographique. Un atelier sera ouvert à Argenteuil.

L’afflux de travail et la menace de la guerre vont inciter Marcel Môme à envisager un repli stratégique et la construction d’une usine en Auvergne. C’est Montluçon qui sera choisi pour sa situation géographique au centre de la France, loin des frontières, ainsi que la présence de nombreuses industries constituant un important vivier d’ouvriers.

Le 20 janvier 1933, Marcel Môme, son beau-père Félix Verny, directeur de la CSEE, et Paul Gellos créent la Société des Constructions Électriques et Mécaniques (SCEM).

En 1933-1934, c’est la construction des bâtiments de l’usine de ‘’la Côte rouge’’, « au pays ». En 1934, trois halls sont en cours de montage. Le premier hall abrite le magasin et le contrôle, le second est occupé par les machines-outils et le troisième l’ajustage.

Le 30 novembre 1934, la SCEM est absorbée par la SAGEM.

Les années 30 – Naissance des premières fabrications à Montluçon

Dans les années 30 débutent à Argenteuil les études pour la Marine. La Sagem obtient le rôle de « représentant d’Anschütz en France ». Les services de la Marine passent alors des marchés de pièces de rechange de compas Anschütz.

Des productions pour la défense voient le jour à Montluçon tels que des projecteurs de défense anti-aérienne ou des postes d’écoute appelés « les grandes oreilles », ancêtres du radar.

L’apprentissage

La main d’œuvre provenant essentiellement des villages et du département voisin, il devenait nécessaire d’apporter une formation adaptée aux besoins de la société. C’est ainsi que dès 1937, la Sagem met en place une école d’apprentissage.

Les candidats sont recrutés sur concours dès l’âge de 14 ans pour être formés très tôt à l’esprit de la maison. L’enseignement est complet et comporte des formations théoriques et un enseignement professionnel assuré  par des compagnons expérimentés.

La formation des apprentis est complétée par du chant, de l’éducation physique et du jardinage.

Chaque arpète dispose d’un lopin de terre sur lequel il fait pousser quelques légumes.

Cette école qui a vu passer près de 600 élèves sera fermée après l’examen du CAP de 1965, mais des apprentis continueront à être formés notamment en optique. L’école d’apprentissage donnera naissance à l’Amicale Sportive Montluçonnaise.

En 1961, le premier apprenti, Paul Brousse, officialise ‘’l’Amicale des Anciens Apprentis Sagem’’. Aujourd’hui encore, « l’esprit des apprentis Sagem » règne encore grâce à cette amicale dynamique qui regroupe de nombreux « anciens apprentis » et perpétue ainsi « l’identité Sagem ».

C’est la Guerre et la mobilisation générale : l’activité industrielle va se ralentir.

Face à l’Occupant, il s’agit de faire « profil bas » en concentrant l’activité sur la réalisation de gazogènes, d’installations frigorifiques ou de machines spéciales, telles que les machines à chaussures, ou  « machines à godasses » comme on les appelle couramment.

Deux centres de représentation sont installés, l’un à Romans, l’autre à Fougères. Cette nouvelle fabrication emploie une grande partie du personnel de Montluçon.

Du fait de la nécessité des nouvelles commandes, les trois halls existants sont portés à une longueur de 90 mètres, et un quatrième hall est construit. En 1939, le site compte désormais six halls.

À la fin du mois de mai 1940, La Sagem Montluçon va accueillir ses cousins de la SAT qui décident de se replier en zone libre. Ils vont occuper les halls n° 5 et 6.

La naissance du téléimprimeur

Après l’armistice de 1940, sous l’impulsion du ministère des PTT, les laboratoires de la SAT se lancent dans l’étude d’un téléimprimeur. C’est un prototype de ce téléimprimeur qui, installé à la Poste Centrale de Montluçon, recueille, en juin 1944, le message annonçant le débarquement des alliés en Normandie.

Quelques parenthèses

– Le château d’Argentières : C’est à cette époque que Marcel Môme fait quelques acquisitions dans l’Allier. Les entreprises travaillant pour l’État français devaient avoir leur siège dans la partie sud de la France. C’est pourquoi, en septembre 1940, Marcel Môme achète le château d’Argentières, à Vaux. Depuis 1962, ce lieu constitue un cadre prestigieux, utilisé comme maison de réception pour les clients, et aussi pour accueillir les stages de formation du personnel.

– La fonderie de Saint-Jean : située dans le quartier des Ilets à Montluçon, elle fut créée en 1921 par Monsieur Blondin. Rattachée à la Sagem en 1941, c’est sur cet espace de 3500 m2 dont 2200 m2 couverts que seront employés 60 personnes dont 10 modeleurs en 1970.

– L’atelier de Saint-Pourçain-sur-Sioule : En 1939, Marcel Môme installe un atelier de chaudronnerie provisoire dans le faubourg Paluet à Saint-Pourçain-sur-Sioule.

Les années 40 – L’adolescence de l’entreprise pendant la tourmente de la guerre

La majorité du personnel a le statut ‘’d’affecté spécial’’, ce qui signifie qu’en cas de guerre, le personnel est mobilisé pour la production industrielle, pour l’armement de la France.

Un repli vers le site de Montluçon des effectifs du siège et de l’atelier d’Argenteuil se met en place au cours du printemps et de l’été 1940. Après le bombardement de Montluçon en 1940, Marcel Môme s’installe au château d’Argentières où les archives et documents importants sont entreposés.

Les fabrications pendant la guerre

Le « Département Marine » s’installe à Montluçon et quelques fabrications d’armement sortent encore des ateliers après l’armistice. Les pièces et les matériels sont cachés dans des fermes des environs de Montluçon.

Au début de la guerre, pour faire tourner les moteurs, il faut remplacer l’essence par les gazogènes.

Les premiers compresseurs sont  fabriqués dans l’usine sous licence Burckardt et Escher-Wys. Ils sont à l’origine du « Secteur Froid » et des premières installations frigorifiques en 1940.

L’usine est cependant sous le contrôle de l’occupant et va devoir produire du matériel pour les entreprises allemandes.

Hall de la SAGEM après le bombardement de septembre 1943

1943 – Le bombardement de Montluçon

Dans la nuit du 15 au 16 septembre 1943, Montluçon reçoit un déluge de bombes de l’aviation alliée, destinées à détruire l’usine Dunlop. La Sagem reçoit 6 bombes incendiaires, et le hall 6 qui abrite les fabrications de la SAT est complètement détruit. Le lendemain matin, lors d’une visite éclair, le maréchal Pétain constatera en présence de Marcel Môme les dégâts occasionnés par ce raid aérien.

La résistance à l’occupant

La période de l’occupation est certainement un exemple de résistance passive des plus importants. En effet, ce n’est pas un hasard si on n’a jamais compté autant de retards de livraison, de matériel à la fiabilité déplorable, et de sabotages fréquents sur du matériel destiné à l’occupant.

On peut citer la participation à la manifestation du 6 janvier 1943 en gare de Montluçon pour empêcher le départ d’un train de travailleurs enrôlés par le Service du Travail Obligatoire.

Le cas d’Ernest Armand Huss, d’origine franco ivoirienne, ajusteur à la Sagem, qui fut témoin d’un acte de sabotage, reste emblématique. Ses collègues et lui-même  furent interrogés et torturés par la Gestapo, mais aucun ne parlera. C’est pendant son emprisonnement que le jeune Ernest découvre son talent en interprétant de nombreuses chansons pour ses camarades d’infortune. Libéré en 1945, il décide de se consacrer à la chanson et prendra le pseudonyme de John William.

Les années 50 – La reconstruction de la France

– L’activité Mines : La période d’après-guerre et de reconstruction permet à la SAGEM de contribuer à la remise en état des houillères.

– L’activité Télécommunication : Après-guerre, le développement des télécommunications permet au centre de Montluçon de se lancer dans la course avec les « bobines Pupin » qui emploieront bon nombre de personnes.

– L’activité Marine : Après une période calme en matière de prise de commande, les fabrications pour la marine reprennent, ce qui permet à ce secteur de représenter en 1952 près de 50 % de la charge du site.

– L’activité machines-outils et métrologie : Un effort considérable est fait dans le secteur des machines-outils et de la métrologie. Les premiers projecteurs de profil de grand diamètre apparaissent. À partir de 1947-1948, des produits civils commencent à assurer une charge de travail intéressante, avec les machines à travailler le bois et les machines-outils (essentiellement des fraiseuses).

– L’optique devient un secteur important dans les productions de l’usine de Montluçon.

Les années 60-70 – Les nouvelles technologies

Dans les années 60, l’activité téléphonie s’intensifie et l’on engage la construction d’un hall supplémentaire. Les opérations délicates de montage électronique sont confiées à des mains féminines. Le site de Montluçon va s’affirmer comme le site de référence du groupe Sagem en matière de fabrication de cartes électroniques.

Les années 60 marquent les premiers coups de pioche de l’inertie moderne avec la plate-forme VARS destinée à l’avion de lutte anti sous-marine Breguet-Atlantic.

Atelier de fabrication des haveuses

Une mutation s’opère dans l’usine : les ajusteurs en bleu cèdent progressivement la place aux hommes en blanc. Les nouveaux moyens de production demandent une main-d’œuvre de plus en plus qualifiée.

Le département froid s’intensifie et des installations sont menées par la Sagem pour équiper des clients importants dans le stockage de denrées périssables.

En 1975, l’effectif de Montluçon approchait les 2400 personnes.

L’activité Mines tourne à plein régime et de nombreuses réalisations voient le jour. La Sagem signe en 1978 avec les représentants de la République Populaire de Chine un contrat portant sur la fourniture de 52 haveuses Sirus.

Les années 80 – La grande aventure à l’export – La maturité dans l’inertie

En 1983 est construit un nouveau bâtiment de 5000 m², le  « Hall 5000 », destiné à accueillir les activités des Machines Tournantes, de la Marine et de l’Optique.De nouveaux moyens d’usinage optique sont installés pour accroître la productivité.

L’optique a toujours fait partie des métiers emblématiques de l’établissement. Montluçon compte parmi ses employés 5 meilleurs ouvriers de France dans la catégorie Optique entre 1982 et 1994.

En 1986, une haveuse Panda obtiendra le record du monde d’extraction de charbon en une journée, avec 13 600 tonnes extraites.

Le produit phare du savoir-faire de Sagem Montluçon des années 80 à 90 reste incontestablement la plate-forme ULISS, qui permet de  fabriquer les éléments de la centrale inertielle destinée au guidage des avions de combat.

En 1990, la société se dote d’un nouveau logo.

Les années 90 – La diversification

Dans les années 90, les activités optroniques et viseurs se développent et le Hall 5000 est reconverti pour cette activité. Des fabrications civiles viennent compléter les productions de défense.

Des lignes d’insertion automatique des composants électroniques sur les cartes sont installées.

Fort de son expertise en mécanique, le site de Montluçon va développer une ligne d’assemblage d’injecteurs pour l’automobile qui sera transférée en 2000 sur le site de Sainte-Florine, entre Issoire et Brioude.

Les années 2000 – Le XXIe siècle en mouvement

2003 : construction du bâtiment destiné à l’assemblage des avions sans pilote (drones).

Les drones : la Sagem qui dispose d’une importante expertise dans le domaine de la navigation et de l’observation se lance dans l’intégration d’un « système avion » complet.

2003 : construction de la Zone pyrotechnique AASM

« L’Armement Air-Sol Modulaire » est une famille de bombes guidées, actuellement utilisées par les forces armées françaises, à partir du Mirage 2000 et du Rafale.

2005 : au mois de mai, la Sagem fusionne avec la Snecma pour former le Groupe Safran.

L’usine de Montluçon va se recentrer sur les centrales inertielles. Plusieurs centaines de personnels se reconvertissent sur les nouvelles fabrications de gyroscopes et de systèmes inertiels.

2011 : construction du bâtiment Coriolis

Sur une surface de 19 000 m², avec plus de 6 000 m² de « salles propres », ce nouvel outil de travail de premier rang mondial est destiné à soutenir la production des senseurs du XXIe siècle.

2016 : rassemblement de toutes les sociétés du Groupe sous un seul logo pour intégrer la marque Safran dans leur nom. Et c’est ainsi que Sagem devient Safran Electronics & Défense.

 Et maintenant, l’avenir de Safran à Montluçon ?

Le 5 avril 2016, à l’occasion d’une visite de l’établissement de Montluçon, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, a assisté à la notification du programme « systèmes de drones tactiques » de l’armée de Terre.

Sélectionné sur appel d’offres, le SDT « Patroller » prendra la suite en 2018 des drones Sperwer.

La Loi de Programmation Militaire 2014-2019 prévoit la livraison de quatorze aéronefs.

Faute de commandes, la production de missiles AASM devait s’arrêter en 2016 à Montluçon mais les ventes de Rafale à l’Égypte et au Qatar offrent de nouvelles perspectives. D’autres pays pourraient suivre, comme la Belgique, le Canada, les Émirats arabes unis, le Koweït et la Finlande.

François Hollande, en visite le 9 février 2017 sur le site de Montluçon, a réaffirmé l’attachement de l’État français au groupe Safran, tout en souhaitant une longue vie au site Safran Electronics & Défense de Montluçon.

Marcel Môme, modèle de courage et de ténacité doublé d’un esprit visionnaire, aura permis à la Sagem de traverser les décennies pour lui donner le visage d’aujourd’hui.

Peu d’entreprises peuvent être fières de présenter un panel de fabrication aussi large et varié.

La mobilisation de tous pour servir l’entreprise, la compétence des femmes et des hommes du Bourbonnais auront permis à « La Sagem » de Montluçon de développer toutes les valeurs qui la caractérise, la flexibilité et la polyvalence, l’innovation et la recherche de l’excellence.

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