Les Amis de Montluçon

Société d'Histoire et d'Archéologie

Les Amis de Montluçon sur les pas de la famille de Courtais

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Activité associée

Le château de Bord-Peschin (Cl. A. Petit)

Fidèle à la tradition, les Amis de Montluçon ont organisé leur excursion de printemps le dimanche 11 mai. Cette année, c’est seulement à quelques kilomètres de Montluçon qu’ils sont allés à la découverte du patrimoine local en se rendant à Chamblet et Doyet.

Dans un premier temps une quarantaine de participants se sont retrouvés à Chamblet pour une visite de l’église Saint-Maurice avant de se rendre au château de Bord puis au bourg de Doyet sur les pas de la famille de Courtais.

L’Èglise Saint-Maurice de Chamblet

Chamblet, paroisse de l’ancien diocèse de Bourges, appartenait à l’archiprêtré de Montluçon. Le desservant de Chamblet était à la nomination du prieur bénédictin de Notre-Dame de Montluçon. L’Èglise, placée sous le vocable de saint Maurice, est un Èdifice du XIIe siècle qui a subi des transformations importantes au cours des siècles, en particulier aux XIVe et XIXe siècles. À l’origine, l’Èglise comprenait une nef de deux travées, se terminant à l’est par une abside en hémicycle. La dernière travée, située à l’ouest, a été construite à la fin du XIIe siècle, époque à laquelle ont été remaniées les parties hautes de l’église. L’abside, dont la voûte est en cul-de-four, ne possède plus de fenêtre centrale, mais elle est éclairée par quatre baies créées ou agrandies au siècle dernier.

La nef est recouverte par un berceau brisé dont les arcs doubleaux sont supportés par des colonnes sur dosserets élevés le long des deux murs. Dans les deux premières travées, à l’est, ces colonnes sont serties à leur base par des tores.

Les chapiteaux sont nus ou décorés de feuilles plates dans la deuxième travée. Toutefois dans l’abside, sur le chapiteau de droite, on remarque un cavalier sculpté de façon grossière. Faut-il voir là une représentation de saint Maurice ? Dans la travée située à l’ouest (fin du XIIe s.) les chapiteaux sont davantage travaillés et portent des crochets sous les tailloirs munis d’un tore. Un cordon placé à hauteur des tailloirs reçoit le berceau brisé de la nef. Dans la première travée, aux angles ouest, on remarque deux colonnettes montées à l’époque gothique, comme si on avait eu l’intention de construire une voûte sur croisée d’ogives au-dessus de cette travée.

Le clocher-porche est construit au XIVe siè&cle. La porte mettant en communication la nef et le porche ne possède pas de tympan et son cintre brisé repose sur des colonnes dont les chapiteaux sont ornés de renflements (godrons). Ces chapiteaux sont les seuls à représenter des têtes humaines.

Au cours du siècle dernier (1835-1836), des fenêtres ont été percées dans les murs gouttereaux. Auparavant, la nef était éclairée par de petites baies. Le dallage actuel de l’église a été réalisé en 1874.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, pour faire face à l’augmentation de la population, l’édifice est agrandi et considérablement remanié. Une tribune est construite en 1844 (lors des travaux de l’an 2000, elle a été démolie). Vers 1845, la chapelle nord (chapelle Saint-Joseph) est édifiée et dans les années 1876/77, la chapelle sud (chapelle de la Sainte-Vierge) est construite à son tour, ainsi que la sacristie dans le prolongement de la chapelle nord.

Tous les vitraux actuellement en place datent de la seconde moitié du XIXe siècle et proviennent de l’atelier Gesta de Toulouse.

Le Couronnement de la Vierge (première moitié du XVIIe siècle)

On ne sait comment ce tableau est parvenu à Chamblet. Probablement intégré dans un retable, il provient de l’ancienne église du couvent des Cordeliers de Montluçon. La Vierge est agenouillée aux pieds de la Trinité. De part et d’autre de la Vierge, Dieu le Père et son fils le Rédempteur, assis, tiennent la couronne au-dessus de sa tÍte. La colombe de l’Esprit-Saint déploie ses ailes au sommet du tableau. Le donateur, Nicolas Jehannot de Bartillat, se fait présenter à la Vierge par des religieux Cordeliers : saint François et saint Bonaventure.

La composition, trés classique, s’ordonne dans un cercle dont le centre est Marie, et qui groupe les visages des sept personnages. La composition, emplie de sérénité, est loin de la mise en scène et des effets lumineux de l’art baroque. Le paysage ouvre la perspective au centre et entraîne l’œil au point d’horizon. S’y inscrit une étendue d’eau bordée de petites maisons entourant un château bâti sur une colline. Ce tableau, attribué à Jean Boucher et inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 2002, a @été classé Monument historique en 2009.

La chapelle de Courtais à Doyet

La troisième partie de cette promenade des Amis de Montluçon s’est déroulée sous la pluie au centre du bourg de Doyet. Le guide, Georges Michard, a entraîné les participants vers ´ la chapelle de Courtais située entre l’église et l’ancien presbytère pour leur présenter deux objets distincts : la chapelle, et la pierre tombale qui s’y trouve.

1 – Jusqu’à l’ouverture des mines, Doyet était une modeste commune rurale de moins de 1000 habitants. L’église, petite, suffisait néanmoins aux besoins du culte. Mais à partir de 1850, l’exploitation du charbon a entraîné une forte augmentation démographique. La population a doublé, puis triplé ! Et les jours d’enterrement, une partie de l’assistance devaient rester à l’extérieur de l’église. Celle de Doyet, du XIIe siècle, ne faisait que 24 m de long sur 8 m de large. Non seulement elle était trop petite, mais elle était vétuste. Il fut donc décidé de la remplacer par une plus grande, et c’est l’architecte moulinois Jean-Bélisaire Moreau qui la construisit entre 1875 et 1877. L’ancienne église romane fut vendue comme carrière de pierre. Mais Mme de Courtais, veuve du général, demanda de conserver la chapelle des de Courtais qui débordait du flanc nord de l’église promise à la démolition, au motif bien légitime que les défunts de sa famille y étaient inhumés depuis des siècles.

Ce fut un travail difficile de séparer la vieille chapelle de la non moins vieille église, et l’architecte Moreau, pour la sauver, dut s’employer à la consolider et à lui donner une façade dont elle était dépourvue. Le résultat est cependant assez plaisant à regarder, avec un grand arc ogival en pierre rouge et un fronton triangulaire.

 2 – Une fois poussée la porte, les visiteurs constatent que le contenu est très sommaire : il n’est constitué que de la dalle funéraire de la tombe du chevalier Gilbert de Courtais mort en 1645. Cette dalle rectangulaire de 2 m de long sur 1 m de large et 25 cm d’épaisseur porte sur toute sa surface un portrait en pied du défunt gravé d’une fort belle manière : Gilbert de Courtais est représenté en tenue de mousquetaire du roi, tête nue, mains jointes, l’épée au côté, avec des bottes de cavalier. Sur les quatre bords de la dalle se lit l’inscription suivante :

Icy gist messire Gilbert de Courtais – chevalier seigneur dudit lieu, la Souche, la Guerche, Doiet, les Moreaux & capitaine d’une compagnie de chevaux légers entretenue pour le service de sa Majesté, lequel décéda le 17e janvier 1645. Priez Dieu pour son âme.

Le chanoine Clément a très bien décrit et dessiné cette pierre tombale dans le Bulletin de la Société d’Émulation n° 3 de mars 1900, p. 82 à 85. Il a aussi transcrit un éloge du défunt, en 5 strophes, écrit par un chanoine de Saint-Pierre de Montluçon, le père Durandeau.

Le mausolée du général de Courtais et de sa famille

Quittant la chapelle, les visiteurs contournent l’église et pénètrent dans l’ancien cimetière de Doyet pour y découvrir la statue du général et son mausolée.

Au sommet de la statue se trouve le buste du Général de Courtais, sculptée dans le marbre par François Sicard (1862-1934) ‡ la demande de la commune de Doyet et de Gaston Pailhou le petit-neveu du général. Ce buste est posé sur un socle en calcaire blanc qui pourrait provenir de l’atelier Fournier des Corats, de Moulins. L’ensemble représente une femme éplorée élevant une couronne de lauriers vers le buste.

À quelques pas de la statue se dresse le mausolée où sont enterrés les défunts de la famille du général. De plan carré (3.20 m de côté), ce monument de style pyramidal influencé par l’art égyptien s’élève à 7 m de hauteur. Sur la fausse porte de sa face sud, on peut encore lire « Famille de Courtais et Buhot ». Sur la paroi côté est sont gravés les noms des défunts parents de Félicité Buhot, l’épouse du général. Et sur la paroi ouest, ce sont les noms des huit de Courtais qui reposent ici : Le père et la mère du général, ses deux filles mortes à 21 et 41 ans (le laissant sans descendance), un frère et une sœur, le général lui-même, et sa veuve. La partie érigée du monument est vide, car les 8 cercueils sont déposés en-dessous, dans une crypte réalisée par l’architecte Jean Boussard (1844-1923) à la demande de la veuve du général. La construction fut assurée par l’entreprise parisienne Devoisines en 1881, peu de temps avant le décès de madame de Courtais, la dernière à être inhumée ici.

Le mausolée de la famille de Courtais (Cl. J-P. Michard)

La Chassignole, château des de Courtais

Quittant le mausolée, les visiteurs continuent sur les pas des de Courtais et se dirigent vers le parc de la Chassignole où s’élève le château qui les a abrités pendant quatre siècles. M. Brossard et Mme Brun, les habitants, nous accueillent fort aimablement et nous accompagnent pour faire le tour de la demeure.

Il est bien difficile de dire de quand date ce château car il a évolué au cours des siècles, avec des parties détruites, des parties anciennes restaurées et des modifications au XIXe siècle.

A-t-il succédé à une motte ? C’est peu probable, car il n’est pas sur un promontoire. Ici, c’est l’église qui est sur un tertre. Le château est en contre-bas de l’église. Et le fossé semi-circulaire qui subsiste entourait l’église et non le château.

Le fief originel des de Courtais se trouvait ‡ Condat en Combraille, près de Pontaumur en Auvergne, au château de Courteix. C’est probablement un fils cadet de cette famille qui est venu se marier à Doyet, en Bourbonnais. Peut-être est-ce Jean de Courteix après son mariage avec Anne de Villars le 1er mars 1540 à Louroux-Hodement ? Son fils Louis de Courteix va épouser vers 1575 Françoise d’Hérisson.

En tous cas, lorsque Nicolas de Nicolay évoque Doyet en 1569 dans la châtellenie de Montluçon, il cite « la terre noble des Courtais » et «  la maison seigneuriale de Chassignolles-en-Doyet ». Donc les de Courtais étaient déjà arrivés en 1569. Cette ´ maison seigneuriale ª comprenait, paraît-il, quatre tours. Nous n’avons connaissance que de deux d’entre-elles : une petite, qui subsiste, devait garder l’entrée ; une seconde, plus imposante, se dressait à l’angle nord-ouest du château. Mais elle a été abattue en 1781. Seul subsiste sa trace circulaire. Par la suite a été édifié près de son emplacement un nouveau bâtiment de plan rectangulaire, accolé à la partie ancienne avec laquelle il forme un L. Cet ajout se prolongeait vers l’est par une grande orangerie dans laquelle, disait-on, se donnaient fêtes et réceptions.

Le bâtiment principal qui subsiste daterait de la fin du XVIe siècle, peut-être 1580. Il comporte deux façades : une à l’ouest avec une terrasse sur perron accessible par deux volées de marches symétriques ; l’autre à l’est avec un imposant bloc de marches sans rampes pour accéder à une porte d’entrée au linteau armorié. Ces armoiries avaient été « bûchées » par les révolutionnaires, et on ne distinguait plus les trois lions en relief qui les ornaient. Récemment, le propriétaire, M. Libes, a fait retirer cette pierre endommagée, et l’a faite remplacer par une nouvelle, sculptée presque à l’identique, redonnant ainsi sa vraie symbolique à la maison des de Courtais. L’ancienne pierre, authentique mais défigurée, est exposée à l’intérieur du château.

Dans l’angle nord-ouest du bâtiment, si on lève les yeux vers la gouttière, on aperçoit sous l’avancée du toit une date gravée dans un cartouche sur une pierre d’angle : 1830. C’est probablement la date d’une restauration, peut-être de la partie haute ou de la toiture.

L’avant dernier aménagement remonte à 1885, après la mort du général en 1877 et celle de son épouse en 1882, sans descendance. Peut-être est-ce à cette époque que l’orangerie a disparu, au temps du vicomte Gaston Pailhou, petit-neveu héritier du général.

Quant à la dernière restauration, c’est celle qu’ont effectuée les propriétaires actuels, M. et Mme Libes, au début des années 2000

Doyet : Le château de la Chassignole :façade est (Cl. G. Michard)

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter :

– CORNILLON (Jean) – Deux bienfaiteurs de l’humanité : le général Amable Gaspard Henri de COURTAIS et sa femme, née Marie-Pierre, Anne-Félicité, Rosalie BUHOT [2S, n° 15, p. 33-55 – 1931]

– IMBAULT (Gaston) – Contribution à la biographie du Général de COURTAIS (résumé d’une communication donnée au 10e congrès de la Fédération des sociétés savantes du Centre de la France, Montluçon – 1950) [3S, n° 4, p. 24 – 1951]

MARTIN (Gilbert) – Le château de Bord-Peschin à Doyet [3S, n° 30, p. 9-44 – 1979]

– MARTY (Jean) – Compte rendu de l’excursion des Amis de Montluçon en pays de Montmarault (Doyet, Saint-Bonnet-de-Four, Montmarault, Vernusse, Blomard, Sazeret) – le 1er mai 1988 [3S, n° 39, p. 114- 117 – 1988]

– MARTY (Jean) – Compte rendu de l’excursion du 1er mai 1992, sur les pas des derniers sires de Bourbon (Chamblet, Doyet, Deneuille-les-Mines, Villefranche-d’Allier, Tortezais, Venas [3S, n° 43, p. 111-115 – 1992]

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