La constitution du domaine royal
Jusqu’à la fin du règne d’Henri IV, Versailles n’était qu’un village de 400 âmes, sur la route de Paris à Dreux et vers la Normandie. Le roi possédait peu de terres et de bois dans l’ouest parisien, hormis le château de Saint-Germain.
La Cour délaisse peu à peu le Val de Loire et s’installe au Louvre, à Saint-Germain, Fontainebleau et Compiègne. D’après les historiens, c’est à cette époque-là que se constituent les grandes propriétés aristocratiques, avec des parcs boisés aménagés autour des châteaux, comme celle de la famille de Gondi, banquiers florentins qui ont suivi Catherine de Médicis en France au XVIe siècle. Le prestige qui s’attache à la possession de la terre et l’intérêt pour la chasse motivent cette forme de concentration foncière.
Louis XIII est amateur de chasse et commence par acheter une garenne de deux hectares en 1622, au sommet d’une butte où il fait construire un petit château avec deux objectifs, avoir un pied-à-terre pas trop loin du Louvre pour chasser, et aussi pour s’isoler. Plusieurs vagues d’acquisition se suivent et à son décès en 1643, il laisse une propriété d’environ 350 hectares.
S’ensuit la période de la Fronde entre 1648 et 1653. Le jeune roi Louis XIV âgé d’une quinzaine d’années revient à Versailles et décide d’acquérir des « …terres propres à nostre dessein ». Il achète alors des petites parcelles, grandes propriétés et seigneuries. On parlerait aujourd’hui, souligne Pierre Missioux, « d’acquisitions systématiques ».
Ses successeurs, Louis XV et Louis XVI, partageront cette fringale foncière. Ce n’est qu’en août 1789 que Louis XVI signera la dernière acquisition foncière.
Dès 1683, un an après l’installation officielle de la Cour à Versailles, le domaine rassemblait 8000 hectares. À titre de comparaison, la plus grande propriété royale à l’époque était celle de Chambord avec 5400 hectares entièrement boisés.
À la mort de Louis XIV, le domaine royal de Versailles atteint 11 000 hectares en 1715, puis 15 000 hectares en 1789.
Louis XVI achètera les domaines de Rambouillet et de Saint-Cloud. La famille royale avec le Grand Dauphin, les enfants naturels légitimés et la branche cadette détiennent 23 000 hectares, soit l’équivalent de 10 % de la superficie de l’actuel département des Yvelines. À la veille de la Révolution, le domaine royal à l’ouest de Paris atteindra des surfaces considérables.
En 1683, sur les 8000 hectares détenus par le roi, 3500 sont des terres agricoles et 2500 sont des bois. On compte aussi quelques étangs, friches et landes. Cet espace destiné à la chasse n’est pas entièrement boisé, contrairement à Chambord.
Ce domaine s’étendait sur quinze paroisses et en enclavait huit : Bailly, Bois-d’Arcy, Buc, Fontenay-le-Fleury, Guyancourt, Noisy-le-Roi, Rennemoulin et Saint-Cyr.
Les villages de Trianon et de Choisy, quant à eux, ont purement et simplement été rasés, églises et cimetières compris. Celui de Versailles a subi le même sort. Des routes ont été détournées.
Deux grandes unités composaient le Domaine :
– Le Petit Parc dû au génie de Le Nôtre avec ses jardins, bassins et bosquets savamment ordonnés, le tout enveloppé par des bois.
– Le Grand Parc, prolongeant le précédent sur des milliers d’hectares agricoles et boisés, immense territoire de chasse.
Du point de vue opérationnel, c’est la surintendance des bâtiments du roi qui procède à l’acquisition des terres, évaluation des biens, indemnisation des propriétaires, à l’amiable, par échange ou par expropriation. Le roi demande l’acquisition de tout les parcelles de bois enclavées dans le domaine dans un rayon de six km autour du palais. Il est un maître d’ouvrage pressé qui n’attend pas la signature des actes pour prendre possession des terres de façon anticipée, et l’on trouve quelquefois dans les archives des traces de procès car dans certains cas l’indemnisation tarde plusieurs années à venir.
Il faut resituer ces opérations d’acquisition dans le cadre de l’Ancien Régime avec l’imbrication des juridictions, des privilèges, et l’enchevêtrement des compétences.
Les cultivateurs n’ont parfois même pas le temps de lever la récolte de leur parcelle.
Le rythme des acquisitions va se ralentir à partir des années 1690 en raison de conflits armés dans le Nord de l’Europe, qui mobilisent les finances publiques.