Octobre 1983, dépôt de bilan de DUNLOP
Cependant la prise de conscience des Montluçonnais ne sera réelle qu’avec les déboires de Dunlop, encore poids lourd du bassin Montluçonnais en 1970.
De 1970 à 1983, l’entreprise DUNLOP connaît de sérieuses difficultés. Les effectifs du personnel ont chuté de plus de 30 %. En 1983, l’usine compte encore cependant 2783 salariés. DUNLOP fabrique encore à Montluçon des pneus voitures, camionnettes, motos, poids lourds, avions, et agraires, ainsi que des balles de tennis.
Le 6 octobre 1983, le journal La Montagne titre sur un « dépôt de bilan » de Dunlop France, qui affecte plusieurs unités de production en France. C’est la catastrophe. Ce dépôt de bilan s’accompagne d’un vaste plan social. Un cinquième des salariés qui ont entre 50 et 54 ans sont mis en pré-retraite.
« Dunlop qui mord la poussière », entraîne dans sa chute de nombreux sous-traitants dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment, transports, travaux publics, et commerces. La situation est extrêmement grave et provoque un réflexe d’unité locale avec les grandes manifestations du 14 octobre 1983, puis celle de février 1984 avec élus en tête et près de 15000 manifestants. Un comité de soutien est mis en place.
André Touret, écrivain de l’histoire locale, faisait observer : « Pourtant, l’usine accumulait les difficultés depuis des années, à tel point que certains parlaient d’une usine en état de “mort clinique” et s’étonnaient qu’elle ait pu survivre si longtemps ».
En juillet 1984, la visite du président François Mitterrand accueilli par le maire Pierre Goldberg (PC) et le député Albert Chaubard (PS) suscite de l’espoir, mais le chef de l’État déclare « qu’on ne peut pas tout attendre de l’État ».
Plusieurs firmes d’envergure sont alors susceptibles de reprendre DUNLOP : les américains FIRESTONE et GOODYEAR, l’italien PIRELLI, le japonais SUMITOMO, et MICHELIN, proche concurrent. Les Japonais demandent un climat de paix sociale. Le prix à payer est un millier de suppressions d’emploi. L’accord est signé à partir de juillet 1984, avec conservation de la marque DUNLOP. Les Japonais rachètent l’usine et le stock. Ils constatent qu’il y a un énorme investissement à faire concernant la modernisation des machines et apportent d’autres méthodes de travail, par le biais de cercles de qualité et de stages au Japon. Les ateliers poids lourds et agraires sont fermés. L’entreprise CHARVERON qui œuvrait dans ce sillage va disparaître. Les cars DUNLOP sont supprimés.
SUMITOMO connaît à son tour des difficultés au milieu des années 90 qui entraînent la suppression de la production des pneus d’avion et des balles de tennis. SUMITOMO est repris par GOODYEAR qui décide à son tour de spécialiser la production et de la réduire à celle des pneus camionnettes et pneus motos.
Pour le centenaire de l’usine en 2020, l’entreprise ne compte plus que 500 à 600 salariés.
L’année 2022 est pour GOODYEAR/DUNLOP celle de la réorientation vers le pneu moto haut de gamme à haute valeur ajoutée et l’abandon programmé de la fabrication des pneus camionnettes et pneus scooter.
Le technopôle de la Loue
La restructuration des espaces délaissés suite à cette baisse d’activité permet la création de la zone d’activités « Technopôle de la Loue », à proximité de l’autoroute A 71. Cette zone de 45 hectares destinée à une soixantaine d’entreprises dans le domaine des industries, services, loisirs et environnement prend son essor en 2017, avec 1600 salariés. Il s’agit surtout de transferts d’entreprises locales.
Zone de Châteaugay
En même temps la zone de Chateaugay créée en 1983 cherche à se développer,. À l’aube des années 2000, elle devient une zone artisanale et commerciale avec, entre autres, l’installation de Monsieur Bricolage et Brico-dépôt pour le bricolage, Jardiland pour le jardinage, et bien sûr la locomotive, le centre Leclerc.
Désenclavement
AVIOPARC est un projet qui devait favoriser le désenclavement aérien de Montluçon avec les aérodromes de Villars et de Lépaud. Il n’a pas véritablement abouti.
En 2011, le désenclavement ferroviaire avait un temps fait rêver avec un possible tracé du TGV qui « aurait pu passer par Montluçon », sans concrétisation.
Le seul désenclavement réussi est celui de l’axe autoroutier de l’A71, et de la bretelle qui permet ce raccordement à l’A 71. Pour l’axe de la RN 145, les travaux vont être réalisés avec un retard d’une trentaine d’années.
LANDIS et GYR
Cette entreprise spécialisée dans la fabrication de compteurs et disjoncteurs a réussi à se maintenir autour de 1900 à 2000 salariés autour des années 70. Cette unité a cependant tardé à comprendre qu’il fallait qu’elle se diversifie pour ne pas dépendre d’un seul et unique client, EDF. Le siège de LANDIS et GYR se trouve alors à Montluçon et le produit est élaboré entièrement sur place.
En 1998, LANDIS et GYR devient SIEMENS. C’est la fin de la diversification et le début de l’externalisation de certaines activités. En 2011, LANDIS et GYR devient filiale de TOSHIBA. L’entreprise se positionne sur la recherche et l’assemblage du compteur LINKY.
L’entreprise ne compte plus que 120 salariés en 2015. L’externalisation donne naissance à plusieurs entreprises qui se développent sur le parc MÉCATRONIC situé sur la commune de Saint-Victor. Ces entreprises auront du mal à survivre.
Le site de LANDIS et GYR, surdimensionné, va en grande partie être reconverti dans l’activité commerciale, notamment INTERMARCHÉ.
SAGEM/SAFRAN
EN 1975, la SAGEM occupe un site de 40 hectares sur la Côte Rouge, et compte 2500 salariés. Elle produit alors des senseurs inertiels, des gyromètres et accéléromètres, des plates-formes gyroscopiques, des équipements frigorifiques et miniers dont les fameuses haveuses Sirius qui sont exportées jusqu’en Chine. Un des principaux clients de la SAGEM est la Marine, ce qui fragilise l’entreprise lorsque le budget de la défense nationale est en baisse.
Dans les années 70, l’activité de téléphonie est très développée, dans des ateliers où l’on emploie beaucoup de main d’œuvre féminine. Les locaux ont été agrandis.
La SAGEM possède une fonderie appelée fonderie de Saint-Jean qui emploie une soixantaine de personnes.
Le secteur de l’optique joue un rôle très important dans les fabrications. Un hall optronique (optique et électronique) est dédié à ce secteur en plein essor.
L’usine travaille son image de marque dans les années 80 en modernisant son aspect. Le fameux car de ramassage « le lézard vert » destiné au personnel est supprimé.
Dans les années 80, la plupart des fabrications de la SAGEM arrivent en bout de course. Des activités civiles de complément sont recherchées : TV, téléphonie, décodeurs, pièces pour l’automobile. Mais cela ne suffit pas à maintenir l’emploi qui s’effondre : de 2100 salariés en 1987, on passe à 1130 en 1996.
On joue alors sur les amortissements sociaux, pré-retraites, réduction des horaires, recours à l’intérim pour faire face aux difficultés.
Dans les années 2000, les commandes militaires de l’État redémarrent, d’où une augmentation des effectifs jusqu’à 1200 salariés. De nouvelles orientations sont prises. En 2003, de nouveaux bâtiments sont construits pour la pyrotechnie et l’assemblage des drones.
Un vrai changement d’identité et d’esprit va s’opérer dans les années 2000 et la SAGEM va devenir SAFRAN. Les dirigeants des entreprises, qui étaient auparavant d’anciens ingénieurs des Arts et Métiers, deviennent des DRH qui gèrent des ressources humaines.
SAFRAN a enregistré un record avec la commande de 3000 centrales inertielles utilisant la technologie HGR (ou gyroscopes à résonateur hémisphérique). Pour répondre à ce succès commercial, la capacité de production de l’usine CORIOLIS, construite sur le site de Montluçon pour un coût de 50 millions d’Euros, à l’emplacement des anciens jardins ouvriers, a été augmentée.
En 2014, l’usine de Montluçon SAGEM/SAFRAN a fêté ses 80 ans. Ce site, classé « secret défense », a ouvert ses portes pour l’occasion.
En résumé, le cumul d’emplois pour SAGEM, DUNLOP et LANDIS passe de 7000 en 1970 à 2000 en 2020.
AMIS et BREA
Ce sont deux atouts prometteurs de la filière automobile.
AMIS (Ateliers mécaniques et industries spéciales), installée depuis 1970, comptait 233 salariés en 1990. Elle se maintient avec des effectifs qui avoisinent 550 salariés en 2021.
BREA, de 1970 à 2006, fabriquait des pièces d’aluminium pour l’automobile et a connu un plein essor. L’usine s’est installée à Vaux en 1992 et a grimpé jusqu’à 400 à 500 salariés. Sa production s’orientait à 60 % vers l’automobile et 25 % vers les poids lourds. Suite à des problèmes de gestion, l’entreprise a été placée en liquidation judiciaire en 2007. L’usine devient ensuite Bréalu en 2008, D.M.I en 2011, puis CAST’AL en 2013 avec 168 salariés.
Une branche, la fonderie d’aluminium sous pression, dirigée par le petit-fils du fondateur René Bréa, s’est maintenue sur le technopôle de la Loue. Elle s’est positionnée sur des marchés en expansion et a créé un secteur « recherche et développement » pour augmenter sa compétitivité.
Le commerce montluçonnais dans la tourmente :
Le monde du commerce va connaître une véritable révolution avec l’installation de grandes surfaces généralistes. Mammouth a apporté 140 emplois, Leclerc, aux Marais et route d’Évaux, 130, Intermarché de la Rotonde 60, Record/Continent/ Carrefour 200. Dans le même temps, les épiceries de quartier ont fermé les unes après les autres.
Des grands magasins spécialisés se sont ensuite installés dans le domaine du bricolage, de l’ameublement et du sport.
L’avenir du territoire
La périurbanisation accélérée, avec la construction de lotissements comme le Cros et Bressolles à Domérat, explique en partie le déclin démographique de Montluçon, 56000 habitants en 1975, 44000 en 1990 et seulement 33000 en 2022. On peut envisager 30000 habitants en 2030…
Tout cela s’accompagne de déconstruction : barres d’immeubles de Fontbouillant, quartier de la Verrerie. De même, dans le domaine scolaire, le nombre d’écoles diminue. Le collège Jean-Jaurès ferme en 1986 et le premier cycle du LEM suit en 1988.
En ce qui concerne l’avenir du territoire Montluçonnais, la SOFRES constate que le tissu économique n’a pas pu se régénérer autour d’activités nouvelles, faute d’avoir su anticiper les mutations majeures des années 80.
En 1995, Pierre Couderc, qui a beaucoup écrit sur l’histoire locale, s’interroge sur le futur de Montluçon, en concluant que la période de croissance est bien finie et l’avenir très incertain.