À Montluçon, la villa Louvière construit en 1926 ne cessera pas de surprendre les promeneurs. Léguée à la ville par son propriétaire François-Joseph Troubat, un riche industriel montluçonnais, la Louvière est un havre de paix au cœur de la cité où l’art est au rendez-vous. Le parc offre un lieu de détente agréable et la collection d’art en fait un lieu riche et original.
Qui est ce François Joseph Troubat-Le Houx (1874-1968) ?
Fils du fondateur de la Société générale des Cires Françaises, il est né le 6 avril 1874 à Montluçon. Il épouse en 1903 Germaine Le Houx, fille d’un riche banquier parisien. Afin de donner plus de prestige à son nom, il accole à son patronyme celui de son épouse et se fera donc appeler Troubat-Le Houx. Sur le terrain proche de l’entreprise familiale, il se fait construire en 1926 une somptueuse demeure pour y vivre avec sa famille. Homme passionné et grand amateur d’art, il rêve d’y recréer les décors qu’il admire le plus : ceux de l’Ancien Régime et de l’Empire.
« Je déclare léguer à la Ville de Montluçon ma propriété de la Louvière (…) Le parc devra être utilisé comme promenade à l’usage de tous les habitants de la ville qui devront trouver le calme et le repos. »
C’est ainsi que François-Joseph Troubat commence son testament le 3 novembre 1967.
Les goûts résolument artistiques du constructeur
À peine le promeneur a-t-il passé les portes du portail monumental du parc de la Louvière qu’il est impressionné par l’art dans lequel baigne cette surprenante villa : une copie du petit Trianon de Versailles dont l’élégance et le raffinement ont dû inspirer François-Joseph Troubat et son architecte René Sappin des Raynaud. L’édifice, haut de treize mètres, est réalisé en pierres appareillées et en briques roses. Sur cette façade nord qui accueille le visiteur, quelques marches de pierre amènent à une superbe porte en fer forgé. Au-dessus de la marquise, on peut lire une inscription latine : « Bonus intra, melior exit » signifiant « Bon tu entres, meilleur tu sors ». Tout un programme ! Quant à l’autre façade, celle qui donne au sud, elle présente un aspect plus imposant : une véranda s’ouvre largement sur une grande terrasse à partir de laquelle on descend dans un jardin à étages.
En plus de la villa, deux ailes pour abriter les collections
Quelques années plus tard, dans les années cinquante, Troubat-Le Houx décide de changer la physionomie de la villa et la fait agrandir. En effet, de part et d’autre du bâtiment, deux ailes semi-circulaires éclairées par des verrières sont construites ; l’amateur d’art souhaite que ces deux grandes salles accueillent ses diverses collections. Ces agrandissements sont naturellement du même style que le bâtiment principal, et comportent bustes et statues sur leur façade. Parmi elles, on trouve à la place d’honneur les maîtres des lieux : à gauche le buste de Madame, Germaine Troubat Le Houx, et à droite celui de Monsieur. Nous sommes donc bien chez les Troubat-Le Houx !
Un intérieur moderne pour l’époque
La Louvière présente une particularité quant à son organisation et à sa modernité pour l’époque. En effet, l’architecte n’a rien laissé au hasard. Le sous-sol comprend une chaufferie, une laverie et des salles pour les réserves. Au rez-de-chaussée, les pièces sont très bien agencées, mais toujours en pensant aux œuvres d’art. Des stores intérieurs ont été installés en haut des murs dans des corniches afin de protéger les tapisseries signées Van der Borght, d’après David Tenier, peintre flamand du XVIIe siècle, ce qui apparaît tout à fait extraordinaire pour l’époque.
L’intérieur de la demeure est étonnant puisque déjà dans l’entrée le visiteur peut admirer des colonnes de marbre provenant de l’hôtel Richard Wallace. Les portes de style Renaissance proviennent de l’hôtel Potocki. La famille Troubat-Le Houx est d’ailleurs très avant-gardiste car elle n’hésite pas à récupérer tous ces éléments de décorations dans des hôtels particuliers parisiens pour aménager son foyer. Le grand salon, consacré à l’art, est un écrin de style Empire puisque l’ornementation des plafonds s’inspire du salon des Quatre Saisons de l’hôtel de Beauharnais à Paris.
Parmi le riche mobilier, deux chefs-d’œuvre
Ce grand salon abrite l’une des plus grandes richesses du château, une des sept copies du chef-d’œuvre considéré comme l’un des plus beaux meubles du monde : le bureau à cylindre de Louis XV. Datant du XIXe siècle, il est l’œuvre de l’ébéniste Beurdeley. Mais l’histoire a laissé son empreinte puisque la Révolution a remplacé les insignes royaux par les ornements de Sèvres. Quant à la commode aux trophées guerriers, c’est une réplique de celle de la chambre de Marie-Antoinette à Fontainebleau. Ce meuble témoigne du degré de raffinement du mobilier français sous le règne de Louis XVI.
Des toiles de maîtres
Le château abrite environ soixante-dix peintures qui reflètent les goûts éclectiques de François-Joseph Troubat et comprend essentiellement des œuvres des XVIIe et XVIIIe siècle, mais aussi des toiles du XIXe siècle portant les signatures d’Eugène Fromentin (1820-1876) avec son tableau Arabes dans un défilé, et du peintre orientaliste Henri Rousseau (1875-1954) avec les Cavaliers arabes. Dans une des ailes circulaires, lumineuses et parfaitement intégrées à l’ensemble architectural, se trouve une des plus grandes œuvres de la peinture française du XVIIe siècle : Panthée conduite devant Cyrus, toile de Laurent de La Hyre (1606-1656). Une liste d’œuvres de grande qualité a été établie et parmi celles-ci Nymphe et Faune de François Boucher (1703-1770) ou bien la femme habillée et la femme nue, deux œuvres de Paul Sieffert sur le modèle du peintre espagnol Goya. Les laques d’or sont deux pièces contemporaines de valeur : Les Zèbres et Les Panthères, œuvres du sculpteur et décorateur sur laque Jean Dunand (1877-1942).
À l’étage, le confort moderne
L’accès au premier étage se fait par un impressionnant escalier de bois sculpté représentant une cariatide et un atlante. Les quatre chambres sont desservies chacune par des cabinets de toilette ou une salle de bain. Celle de Germaine Troubat le Houx est la plus surprenante : une baignoire, restée en parfait état, dotée de quatre robinets, est encadrée de mosaïques dans les tons de rouges, oranges et de feuilles d’or. Son style et sa commodité devaient être très modernes à l’aube des années 1930. Cette chambre donne sur une terrasse avec vue sur le jardin et sur la vallée du Diénat, un des quartiers de Montluçon.
L’ensemble est spacieux, confortable, bien réfléchi et aménagé. Par ses objets d’art et ses ornementations dorées, l’intérieur du château émerveille et enchante les visiteurs.
Troubat-Le Houx lègue sa propriété à la ville de Montluçon
La motivation de monsieur Troubat était non seulement d’en faire une maison d’habitation pour son épouse et ses deux filles, Mireille (1908-1969) et Sabine (1904-2022) mais également un lieu d’exposition pour ses œuvres. Cependant, une idée folle viendra changer le cours des choses : un projet de donation à la ville de Montluçon germe dans son esprit. En 1944, il propose à la municipalité de lui céder l’ensemble de sa propriété. Mais cette transmission n’est pas simple car la présence d’héritiers rend la donation très compliquée. Il s’agira donc d’un legs. François Joseph Troubat-Le Houx décède à 93 ans en 1968. Mais la remise à la ville de Montluçon de l’ensemble des biens n’aura lieu qu’après le décès de Madame Troubat le 7 mai 1976. Le parc n’a donc été ouvert au public qu’en juillet 1978. Et il faudra attendre les Journées du Patrimoine de 1993 pour que les Montluçonnais découvrent pleinement cet endroit extraordinaire, témoin des passions hétéroclites de Troubat.
Jardin à la française et jardin à l’anglaise, et encore des œuvres d’art
Grâce à la physionomie d’un jardin conçu par le propriétaire François-Joseph Troubat lui-même quelques années après la construction de la villa, jardin à la française et jardin à l’anglaise se mêlent gracieusement. Des statues, une pergola et une fontaine Wallace se dressent à côté des arbustes et des fleurs. En contre-bas, deux immenses colonnes arborant chacune un aigle rappellent assurément le goût de Troubat pour l’Empire. Des bustes et des statues ont également leur place sur les façades du château : un David de Michel-Ange, une Vénus de Milo se mêlent au milieu des empereurs grecs et romains. La galerie d’art, appelée aujourd’hui l’Orangerie, qui accueille tout au long de l’année des expositions temporaires, met en valeur une Diane chasseresse. Enfin, on peut également admirer dans le parc trois bas-reliefs provenant d’un hôtel parisien, qui représentent l’Été, le Printemps et l’Hiver.
C’est donc un beau patrimoine qui a été légué par François Joseph Troubat-Le Houx aux Montluçonnais, si l’on en juge par le plaisir qu’ont les visiteurs à découvrir cette belle demeure lors des visites organisées, quand vient la saison touristique.