Les sources archéologiques, numismatiques et artistiques
Le château
C’est au travers des sources archéologiques, artistiques, épigraphiques et numismatiques que l’on connaît le mieux les liens entre la famille de Brosse et Huriel. Ces archives sont pour la plupart bien connues et ont fait l’objet de publications en particulier par l’abbé Duteil, André Guy et d’autres auteurs.
Le conférencier commence par évoquer le château qui pose quelques problèmes de chronologie. La datation du donjon de la Toque est discutée, et l’on n’a pas de certitude sur la date de sa construction.
Lors du dernier congrès archéologique de France qui s’est déroulé à Moulins en 1988, il a été dit que la tour maîtresse (le donjon) avait été construite dans le deuxième quart du XIIe siècle. Cette datation semble probable puisqu’elle s’inscrit dans une influence architecturale venue de l’ouest avec des exemples bien documentés : Loches, Chauvigny. Il en était de même pour le château de Boussac, mais il a perdu son donjon rectangulaire à contreforts.
Il semble que le donjon d’Huriel soit ensuite resté en l’état jusqu’au XVIe siècle. Les aménagements intérieurs et extérieurs, tant les fenêtres à meneaux que le perron pour accéder à la tour et surtout les cheminées qui s’y trouvent, datent plus vraisemblablement de la Renaissance (fin XVe-début XVIe siècle) et non de la période gothique (début XVe siècle). Il en est de même pour les deux tours d’enceinte qui subsistent encore ; elles sont probablement de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle.
Ces hypothèses de datation, tout comme les sources écrites, laissent à penser que ce n’est pas la famille de Brosse qui est à l’origine du remaniement du donjon. À cette période, la famille de Brosse n’avait pas les moyens financiers pour entreprendre de tels aménagements. Jean II de Brosse, mort en 1482, est le plus souvent en campagne militaire auprès du roi et n’administre pas sa seigneurie dans laquelle il a laissé un représentant. Il séjourne peu à Huriel, et pas davantage à Boussac. Il est même contraint de vendre sa seigneurie en 1478. Un compromis de vente est signé, puis annulé deux ans plus tard, ce qui laisse penser qu’il a besoin de subsides, sans doute pour ses campagnes militaires. Ce serait donc bien improbable qu’il se soit lancé dans des travaux de réaménagement. Son père Jean Ier de Brosse a fini également sa vie avec des difficultés financières.
De plus, à la fin du XVe siècle, la famille de Brosse n’a plus le regard tourné vers Huriel, Boussac ou Sainte-Sévère. Par des alliances familiales, elle a des prétentions vers la Bretagne autour du comté de Penthièvre. Le chartrier de Boussac révèle que de nombreux procès sont intentés, ce qui suggère que cette famille a des problèmes financiers.
Autre raison de douter de ces aménagements : le conférencier, photos à l’appui, démontre qu’une des fenêtres en partie basse de la tour a été créée lors des travaux réalisés au début du XXe siècle. Il convient donc d’être prudent sur la chronologie des aménagements du château. Les fouilles réalisées ces dernières années n’apportent de leur côté aucun élément nouveau permettant de mieux appréhender sa datation.
Les sources numismatiques
Nous connaissons trois deniers qui concernent Pierre Ier. Ces trois monnaies ont été émises par ce dernier en tant que seigneur d’Huriel et identifiées et analysées par Jean Duplessy. La première est une obole (dont la valeur est la moitié du denier). Les deux suivantes sont des deniers.
Le conférencier fait remarquer que le revers de ces deniers porte les armes de la famille de Lusignan, grande famille originaire du Poitou qui prend possession du comté de la Marche au XIIIe siècle. Il en est de même pour un denier frappé dans la même période par Marguerite Bometz, dame de Châteaumeillant. Ces pièces imitent les monnaies des comtes de la Marche, ce qui sous-entend une forme d’influence. Jean Duplessy explique qu’il existe effectivement un courant monétaire qui s’étend de la région d’Huriel et de Châteaumeillant jusqu’à Orléans et Blois jusqu’au début du XIVe siècle.
Émile Chenon a signalé qu’en raison de différents traités signés sous Philippe Auguste, un changement d’hommage s’est opéré au niveau de la seigneurie de Sainte-Sévère, et ce probablement au profit des Lusignan. On sait également que Roger de Brosse doit rendre hommage aux comtes de la Marche. Ceci pourrait expliquer que les monnaies d’Huriel imitent les monnaies des comtes de la Marche.
Cependant, pour le moment, une question reste encore sans réponse : le seigneur d’Huriel devait-il rendre hommage aux comtes de la Marche pour la seigneurie d’Huriel ?
La collégiale Saint-Martin et la nécropole familiale
Entre le XIe et le XVe siècle se développent dans l’Occident médiéval, chez nombre de familles seigneuriales, des pratiques commémoratives reposant sur des communautés religieuses de proximité. Du point de vue des seigneurs, l’intérêt de ces nécropoles locales est d’associer la seigneurie dans son cadre territorial avec le souvenir des ancêtres défunts, et avec eux-mêmes, les seigneurs en place : un lien entre les vivants et les morts sur le même territoire.
La famille de Brosse a choisi Huriel pour implanter sa nécropole familiale. Cette nécropole se trouvait dans la collégiale Saint-Martin d’Huriel qui, avant de disparaître, se trouvait au centre du bourg. Cependant on ne connaît pas la date exacte de la fondation de la collégiale Saint-Martin. Alors se pose la question : a-t-on eu d’abord une église transformée ensuite en collégiale, ou dès l’origine une collégiale ? Parmi les hypothèses envisageables, on a trois périodes de construction majeures de collégiales : d’abord au IXe siècle ; ensuite au milieu et dans la seconde moitié du XIe siècle ; enfin aux XIIe et XIIIe siècles, période qui correspond au nouvel essor des collégiales. Le conférencier opte pour cette dernière, qui voit l’arrivée des de Brosse, pour la construction de la collégiale Saint-Martin d’Huriel.
L’abbé Devalle dans son inventaire des chartriers mentionne que l’ancienne chapelle du château fut dotée d’un chapitre de chanoines par l’un des seigneurs de Brosse avec l’obligation d’y recevoir les tombeaux de la famille, insistant ainsi sur la tradition de nécropole familiale sans autres précisions.
En l’état des connaissances actuelles, l’emplacement et la forme exacte de cette ancienne collégiale restent relativement mal connus. Un plan a bien été proposé par André Guy à partir des écrits de Devalle et d’autres relevés, mais sans aucune certitude.
Cette collégiale est intéressante par ses vestiges : une épitaphe gravée sur une pierre, et un gisant. On peut les voir au musée Anne de Beaujeu à Moulins. Ils permettent de mieux préciser les liens entre les membres de la famille de Brosse.
L’épitaphe, découverte au XIXe siècle, fut réalisée par Philippe Colombe, sculpteur originaire de Bourges et père de Michel Colombe. Outre l’épitaphe, Philippe Colombe a réalisé pour Huriel un ensemble comprenant le tombeau avec le gisant et la statue de saint Martin.
Ce type « d’écriture exposée » que constitue l’épitaphe, réalisée pour être vue et lue par la population instruite, renseigne sur les membres qui sont inhumés dans la nécropole. Elle accompagnait le gisant de Pierre III de Brosse.
Le premier à être inhumé dans cette nécropole fut Pierre Ier de Brosse, fils de Roger de Brosse, et son épouse. Suivent ensuite Louis Ier de Brosse, Louis II de Brosse et son frère Pierre III de Brosse.
En examinant cette épitaphe, on constate que plusieurs membres de la famille de Brosse reposaient dans la nécropole familiale avant qu’elle ne soit remaniée à la demande de Pierre III de Brosse lorsqu’il fit édifier son gisant. Se pose donc la question : comment s’organisait la nécropole avant l’édification du gisant ? D’après les descriptions qu’ont pu en faire l’abbé Devalle et André Guy, le tombeau se trouvait à gauche du chœur mais qu’en est-il des autres sépultures ?
Le gisant s’inscrivait dans un mausolée dont il ne reste plus rien. Cependant, la visite réalisée le 17 janvier 1791 nous apprend que le mausolée était peint des armoiries de la famille de Brosse, que le gisant reposait sur un oreiller peint en rouge, et que vingt-huit écussons de fleurs de lys et de gerbes étaient représentés. Un lévrier était également figuré, mais sans autre précision.
Le gisant est daté des années 1416-1422. Pierre III de Brosse est représenté dans son costume de guerre, allongé sur le dos. La tête, avec les yeux ouverts, repose sur un coussin rouge. Les mains jointes sur la poitrine traduisent une posture de prière. Le costume de guerre comporte des armes défensives et offensives. Les armoiries de la famille étaient représentées, et les quelques traces de pigments encore subsistantes laissent deviner qu’elles devaient être polychromées. Cette représentation du personnage fait penser qu’elle a été réalisée dans le premier tiers du XVe siècle.
Pour conclure, le conférencier précise que les sources écrites, en l’état actuel, sont très disparates ; et il n’est pas exclu que d’autres pièces concernant Huriel restent encore à découvrir. Cependant, celles que nous possédons permettent de voir les relations des sires de Brosse avec leurs vassaux et avec Huriel. Ces sources ne diffèrent pas de celles de Boussac ou de Sainte-Sévère. Mais malheureusement, elles sont assez limitées concernant la gestion et le fonctionnement de la seigneurie. On ne retrouve pas de terriers ou de registres de justice.
Les sources archéologiques et numismatiques, quant à elles, révèlent une même stratégie d’inscription territoriale des de Brosse dans leur seigneurie. La documentation présentée montre le rang de cette famille noble et son ascension dans la hiérarchie sociale au fil des décennies.