Accès à l’eau du côté des privés…
Si le contexte sanitaire et le boom urbain ont amené la municipalité à développer le réseau d’eau et les techniques d’adduction d’eau du Cher, certains privés sont équipés de puits, fontaines ou sources dans leurs propriétés. Il n’est pas aisé d’en faire l’inventaire car l’eau a de tout temps été une denrée précieuse et vitale, donc souvent cachée. Dans le noyau médiéval, des puits sont intégrés à l’architecture d’hôtels particuliers souvent dédiés à une classe sociale noble. Dans cette catégorie, n’oublions pas notre manoir du XVe siècle, le château de Bien-Assis, qui bénéficie de sa propre source, à faible débit certes, dans sa cave !
Les différents captages et réseaux originels se définissent souvent selon la topographie, la géologie, l’occupation des sols et leurs vocations. On constate, par exemple, de nombreux puits liés à la source-mère par remontées phréatiques dans la zone d’habitat ancien de Châteauvieux. L’utilisation à des fins agricoles, viticoles et maraîchères explique les parcellaires en clos ou jardins. Dans la seconde partie du XIXe siècle, ces précieux équipements constituaient logiquement une importante plus-value immobilière. La source de Crevallas servait notamment à alimenter des cressonnières en contrebas de son réservoir dans l’actuelle rue Clément Ader. Elle est également attachée à l’activité vinicole domératoise. De même, les implantations d’organisations religieuses dans la ville et périphérie s’associèrent aux nécessaires équipements hydrauliques. Ainsi, les noms des Cordeliers, Bernardines, Bains-des-Sœurs, Ursulines, Saint-Jacques, Saint-Maur sont d’autant plus éloquents et semblent logiquement liés aux conduites, regards et captages aménagés.
Pour l’accès à l’eau au sein de l’habitation, il faudra bien souvent attendre la fin des années 50 avec la construction des grands ensembles sociaux ou logements HLM ! Un véritable confort dédié à une population ouvrière modeste dont les mémoires vivantes illustrent encore toute une époque pas si lointaine…
Histoires d’eaux : témoignages
– « Juste après la deuxième guerre, en 1946-47, je travaillais à la chemiserie Phénix et deux fois par semaine je venais aux Bains-Douches, ici (maison du projet actuel) avant de rentrer route de Paris (av. du Gal de Gaulle). » Jeannine, 90 ans.
– « Enfant, j’ai vécu dans différentes cités populaires montluçonnaises et l’eau courante n’était pas encore installée : nous allions chercher de l’eau au puits au moins 5 fois par jour ! Pour la toilette, la vaisselle, la cuisine… Et pour le bain : une fois la semaine, tous les gamins dans le grand baquet ! » Alain, 60 ans.
– « Dans cette tour de la Verrerie, on a tout sur place, le chauffage central, et quand nous sommes arrivés dans les premiers locataires en 1971, on découvrait l’eau au robinet et les sanitaires privés, c’était le grand luxe ! » Paulette, 80 ans.
Et si le Cher lui aussi parlait…
Moi, votre Cher… Je nais à Mérinchal et je cours sur 367 km pour rejoindre « ma supérieure » la Loire, à Villandry. Le bassin Montluçonnais m’offre un cadre bien spécifique : après la traversée d’un plateau granitique, mes gorges sauvages laissent place à ce vaste lit urbain marquant mon entrée vers la plaine du Berry.
À Montluçon, j’ai ainsi vu évoluer les hommes et leurs activités : des moulins, des forges, un croisement de voies romaines aujourd’hui sous mes eaux ; puis le remarquable château des Ducs de Bourbon s’est établi sur le Mons Lucens, et sa cité s’est développée à l’abri des remparts ; pour traverser mes flots, les plus anciens passages furent le Pont Vieux puis le Pont Saint-Pierre ; ensuite, l’industrie moderne est arrivée : révolution industrielle, activités sidérurgiques et métallifères. Au long de ces XIXe et XXe siècles, que de cheminées se reflètent dans mes eaux, que de ponts ferroviaires et routiers, que de passerelles m’enjambent ! Adieu paysages de bocage et de vignes bordant mes rives ! Une nouvelle ville ouvrière s’organise : Canal de Berry, Hauts Fourneaux, Verrerie, Glacerie, Usine Saint-Jacques, usine des Fers Creux… Autant de noms qui caractérisent ce siècle de l’Industrie. On m’endigue, on tente même de maîtriser mes caprices avec le barrage de Rochebut en 1909.
Mon histoire est ainsi liée à celle des hommes : minotiers, ferronniers et forgerons, mais aussi pêcheurs à la ligne ou au carrelet, baigneurs, quantité de laveuses bavardes sur mes berges ou sur le fameux Bateau-Lavoir pour les professionnelles… Tous profitèrent de mon existence et de mes vertus. Aujourd’hui, kayakistes, pratiquants de diverses activités nautiques, promeneurs et cyclistes peuvent bénéficier des aménagements de mes berges.
Alors, préservez-moi car je suis Essence de vie… D’ailleurs, ne dites-vous pas « Tout ce qui est RARE est CHER » ?