Chateau-Bien-Assis

Les Amis de Montluçon

Société d'Histoire et d'Archéologie

Après-midi dans la Combraille avec les Amis de Montluçon

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Après deux ans sans excursion, les Amis de Montluçon ont concocté une après-midi découverte, gratuite, d’une partie de notre territoire bourbonnais : La Combraille. Un voyage sur les traces d’André Guy et du Docteur Piquand, relaté dans le bulletin n° 2 de 1949 par Camille Gagnon.

Voici la rétrospective de ce périple bucolique, au cœur d’un patrimoine naturel étonnant, avec ses bouchures et ses hommes, son bâti, entre histoire, archéologie et légendes.

Après un regroupement sur la place Escadrille Normandie-Niemen à 13 h 20, les 17 aventuriers, répartis dans cinq véhicules, feuille d’itinéraire en main, se mettent en route à 13 h 35. Ils se suivent en joli cortège jusqu’au château de l’Ours. Ce premier arrêt fut l’occasion de situer géographiquement et historiquement ce secteur que nous nommons La Combraille, alors que nos prédécesseurs écrivaient volontairement La Combrailles avec un « s », il y a 73 ans.

La Combraille

Ce paysage de petite montagne granitique constitua pendant longtemps une barrière naturelle entre l’ouest du Bourbonnais et l’Auvergne historique, jusqu’à ce que l’avènement du train vienne faciliter les échanges. Au Moyen Âge, dans la première partie du XIIIe siècle, la Combraille intégra la sirerie des Bourbons lorsqu’ils étendirent leurs possessions de Montluçon. En effet, sa position centrale entre trois riches provinces, dans le contexte belliqueux entre roi d’Angleterre et roi de France au XIIe siècle, fait du secteur de Montluçon un point stratégique. Des « Anglois » s’emparent de la ville forte en 1171 et la conserve pendant 17 ans. Le roi Philippe Auguste la libérera en 1188 de l’envahisseur. Suite à cette victoire et considérant l’intérêt du lieu, il octroiera en 1202 à Guy de Dampierre, son vassal et Seigneur de Bourbon, un augment de fief. Au siècle suivant, notre Bon duc Louis va renforcer ces sites stratégiques et établir un véritable maillage défensif dans tout le Bourbonnais. La Combraille, à l’ouest du Duché, bénéficiera des premiers équipements de cette stratégie militaire dans le contexte de la guerre de Cent Ans.

Si ce secteur de « Combes » constitue un carrefour historique et géographique, à l’intersection de plusieurs royaumes, provinces, duchés puis régions – ce qui explique la diversité et la richesse culturelle du bâti –, c’est aussi un croisement de paysages et de reliefs. En effet, aux confins du Massif Central dans la Vallée du Haut-Cher, ses gorges et affluents offrent une variété de faune parfois endémique et de flore avec une ripisylve particulière.

Le Château de l’Ours

Tout comme en juin 1949, le temps est orageux ; mais contrairement à nos ancêtres associatifs, la pluie attendra la fin de la soirée. C’est donc sous un soleil de plomb que notre petit groupe bien chaussé emprunte le sentier, à travers un bois sauvage, pour atteindre ce site fameux du château de l’Ours situé sur la commune de Sainte-Thérence et classé monument historique depuis 1995.

Ce nid d’aigle perché à la confluence du Cher et de l’Ours illustre parfaitement l’évolution et les différentes phases historiques évoquées, d’autant que cette place forte fut déjà utilisée dès le haut Moyen Âge en défense de l’Abbaye de Menat. Château du XIIIe siècle donc, il fut renforcé et restructuré par Louis II de Bourbon dans le cadre de la guerre de Cent Ans, élément d’une sorte de Ligne Maginot… Des ruines de cette forteresse, on observe distinctement les vestiges des bâtiments d’habitation, quelques éléments du mur d’enceinte, les délimitations des communs et dépendances (cuisine, cour, écuries, prise d’eau…). Mais la partie la plus conservée reste le donjon. De forme circulaire, cette tour compte trois salles superposées :

– La partie basse est accessible par une brèche percée par des chasseurs de trésors au XIXe siècle. Mais initialement, elle ne comportait pas d’accès par l’extérieur. On ne pouvait y pénétrer que par un oculus percé dans le sol du premier niveau, 7 m plus haut. Cette partie basse servait donc de cave, de réserve à vivres. Elle fit temporairement office de prison pour le seigneur et brigand Guillaume de Betz au XVe siècle.

– Un escalier volant en bois reposait sur la pile de maçonnerie encore présente. C’est par là qu’on accédait au premier étage.

– Ensuite, un escalier à vis menait au deuxième étage.

Culminant à 19 m et mise hors d’eau en 1993 par une dalle de béton hélitreuillée, la tour atteignait 24 m au temps où elle était coiffée de hourds en bois qui lui donnaient un aspect plus redoutable que maintenant. On peut voir encore les trous des jambes de force qui soutenaient la courtine. L’ensemble constituait donc un poste de défense idéal, impressionnant, érigé de surcroît sur un éperon barré perché au-dessus de deux ravins sauvages.

Depuis cette esplanade surplombant les vallées du Cher et du ruisseau de l’Ours, la vue est vertigineuse. Et l’écrin de verdure qui nous entoure offre une atmosphère mythique. L’intérêt naturel du site est également remarquable : classé en 1941, il offre encore des espèces végétales présentes depuis son origine ; fait rare, le buis, généralement friand de sol calcaire, croît ici sur la roche granitique.

Instant privilégié dans cette visite, et comme le fit il y a quelques décennies son auteur, le Docteur Piquand lui-même, une des légendes est contée à l’assemblée : celle d’Odile de Montluçon. Puis, Gaëtan Hardouin, dans son rôle de co-pilote et de maître du temps, indique qu’il est l’heure de rejoindre nos véhicules. Nous reprenons donc le sentier, et le convoi repart à 15 h 05 pour le bourg de Sainte-Thérence.

L’Église de Sainte-Thérence

Une fois les voitures stationnées à proximité de l’église, la troupe gagne le chevet pour écouter les explications devant le monument dit « tombeau de Sainte-Thérence ». Contrairement à 1949, le groupe ne se divise pas entre les explications historiques et archéologiques d’André Guy et le récit des légendes du Docteur Piquand. Histoire et légendes sont donc mêlées pour le plaisir de tous en commençant par la légende de l’humble bergère, dompteuse d’ours, Thérence. Il est à noter qu’il est unique en France que la force du culte voué à cette personnalité locale ait pu entraîner le changement du vocable paroissial et du nom même du village, aujourd’hui éponymes. À l’origine, c’était le nouveau bourg de Neuville – comme son nom l’indique – né du démembrement de Mazirat, et il avait placé son église sous le patronage de Saint-Julien. L’édifice roman des XIe et XIIe siècles est d’ailleurs marqué dans son architecture par l’influence auvergnate : portail à tympan plein et modillons à copeaux de la corniche pour l’extérieur, la nef épaulée de bas-côtés voûtés pour l’intérieur. C’est donc en 1745 que Sainte-Thérence remplace le Saint-Julien de Brioude et que le nom de Neuville est dès lors oublié. Après une incursion à l’intérieur pour admirer le maître autel et le retable en bois doré des XVIIe et XVIIIe siècles et les statues polychromes des saints patrons du lieu, Julien et Thérence, une pause devant l’édifice fut énergiquement demandée par Monique James, notre reporter du jour, pour une rapide photo de groupe.

Le retable de l’église de Sainte-Thérence

Des barrages au fil du Cher

Ensuite, la joyeuse bande reprend la route direction Teillet, observant au passage le barrage de Prat, construit en 1970 selon le type « contrefort » afin de compléter la production hydroélectrique du barrage de Rochebut, situé plus en amont, et où le convoi profitera d’une pause explicative de 10 minutes.

C’est donc au fil du Cher et ses méandres, dans ces reliefs verdoyants, que ces ouvrages d’art prennent tout leur sens. La retenue d’eau de 170 hectares, zone Natura 2000, est alimentée par les rivières de la Tardes et du Cher et présente des paysages sauvages caractéristiques du plateau granitique de la vallée du Haut-Cher. Rochebut, barrage de type « poids-voûte » de 50 m de haut et 98 de long, fut construit de 1906 à 1909. Il est d’abord associé à une centrale hydroélectrique, située à 500 m en aval, qui fit place à une plus moderne, en 1965. Son but était à la fois de régulariser le cours du Cher afin d’atténuer les effets des crues et d’éviter les inondations répétées de Montluçon, mais également de retenir l’eau nécessaire aux habitants de la ville grandissante et à ses usines. Aujourd’hui, le barrage est réputé pour ses activités sportives : le ski nautique depuis 1973, et la pêche, au paradis de la carpe et du carnassier.

En des temps ancestraux, la Combraille était recouverte d’immenses forêts et soumise aux caprices non contrôlés des cours d’eau. C’est dans ce contexte propice à l’isolement que Marien, le saint ermite, s’était retiré dans une grotte au confluent du Cher et de la Tardes – aujourd’hui la presqu’île de Saint-Marien –, à proximité d’un village. Il meurt en 513, en tombant d’un pommier, et son souvenir s’est perpétué avec un pèlerinage doublé d’une fête populaire : chaque dimanche suivant le 10 octobre, sur la rive gauche du Cher située sur la commune d’Évaux-les-Bains, on fête la « Saint-Marien », à proximité d’une chapelle éponyme, d’une fontaine et d’une grotte. Un dicton assure que pour se marier dans l’année, il faut s’y rendre trois fois. Le maître du temps Gaëtan nous indique le temps du départ afin de respecter l’heure de rendez-vous de notre prochaine étape : La Maison de La Combraille.

le barrage de Rochebut

Marcillat-en-Combraille

Sur le trajet, nous notons l’église de Terjat et son clocher mur. Arrivés place Pierre Bitard à Marcillat, nous sommes accueillis par Virginie Laurent dans la salle d’exposition temporaire spécialement aménagée pour une collation fort appréciée. Un moment de convivialité avec rafraîchissements et gourmandises, histoire de ragaillardir les troupes avant la visite du musée.

Notre charmante hôtesse nous invite ensuite à la suivre pour un parcours commenté de la Maison de la Combraille. Cet espace muséal ludique et interactif est dédié au patrimoine naturel, paysager et historique de la Combraille. Un circuit dans les différentes salles, réparties sur deux niveaux, permet la découverte des richesses locales : géologie, faune, flore, savoir-faire et traditions. La dernière partie est consacrée au patrimoine bâti ; les maquettes de l’Abbaye de Bellaigue nous remettent sur les traces des Amis de Montluçon qui, en 1949, avaient visité l’ancien site cistercien. Un casque de réalité augmentée nous permet de nous immerger au XVe siècle, dans cette partie de l’ancien donjon appartenant à la fameuse famille des Rochedragon. Originaires du Puy de Dôme, les membres furent seigneurs et barons du XIe au XVIIe siècle. En effet, jusqu’à la moitié du XIIIe, la commune était à la frontière de l’Auvergne délimitée par la Tartasse. En 1258, les habitants se voient attribuer une chartre de franchise.

Après avoir remercié notre guide, nous nous dirigeons vers la toute proche église NotreDame. L’influence du roman auvergnat est indéniable au niveau du chevet et du clocher datant du XIIe siècle. Nous observons l’abside encadrée par des absidioles en hémicycle, s’ouvrant sur le transept à faible saillie. À sa croisée, un clocher octogonal, percé sur chaque face de baies géminées, domine et fait écho à l’intérieur à la coupole sur trompes, prouesse technique et style si bien maîtrisé par les Auvergnats. La nef simple d’origine n’est plus car jugée trop exigüe, elle fut remplacée puis prolongée au XIXe siècle. Nous observerons pour finir, un vitrail représentant saint Isidore, patron des laboureurs et agriculteurs dont la représentation, assez peu commune, reflète bien les activités et pratiques ancestrales du secteur.

Église Notre-Dame de Marcillat

Villebret

Nos excursionnistes du dimanche achèvent leur tour par la commune de Villebret et les deux monuments qui la caractérisent : l’église Saint-Etienne et la chapelle Saint-Sulpice de Polier. L’étymologie de Villebret viendrait de Villa bretonis, en référence à une vaste villa romaine, chose peu surprenante au vu de la proximité de Néris-les-Bains.

Après 20 minutes de route, nous nous stationnons au centre de Villebret, à l’ombre et au chevet de l’édifice du XIIe siècle remanié au XIIIe et XVIIIe et consacré à Saint-Étienne. Le chevet plat, percé de trois étroites baies aux cintres brisés, est encadré d’absidioles rectangulaires relevant, tout comme son vocable et le portail latéral nord sans tympan, de l’influence berrichonne ; et pour cause, car il dépendait, après morcellement féodal, directement de l’archevêque de Bourges. Il est 18 h 30 et l’édifice est déjà clos, mais après un petit appel, notre gardienne des clefs vient nous ouvrir les portes. Nous entrons et deux statues de part et d’autre du chœur attirent le regard et se prêtent à commentaires. Tout d’abord, la Vierge allaitant l’enfant Jésus (XVe-XVIe s.) est une représentation assez rare dans notre région avec sa posture debout et tenant l’enfant quasi nu à droite contrairement à la tradition. La finesse de la facture incite à l’attribuer à l’école de Michel Colombe qui compte de nombreux chefs d’œuvre comme la statue de sainte Madeleine, trésor de Saint-Pierre à Montluçon. Cette école participe grandement à l’art bourbonnais qui connut son apogée sous la gouvernance d’Anne de Beaujeu.

La deuxième sculpture, la Vierge à l’Enfant (XVIe) nous renvoie directement au 2 juin 1949 : « En sortant de l’église, les excursionnistes découvrent, à proximité, au-dessus d’une fontaine, (…) une petite vierge en pierre, ancienne et d’une indubitable valeur artistique. M. le Maire de Villebret, qui passe à l’instant, donne l’autorisation de porter cette statuette dans l’église. ». Grâce à ce louable sauvetage, nous pouvons admirer encore aujourd’hui la belle facture de cette statue, la finesse du drapé, de la chevelure, la précision du mouvement…

Église Saint-Étienne de Villebret : Vierge allaitant

Polier

Nous nous dirigeons ensuite vers notre dernier arrêt : Polier. La légende du docteur Piquand est tout d’abord contée : l’humble ermite saint Marien aurait séjourné ici avant de s’établir à la confluence du Cher et de la Tardes. Cet édifice du XIIe siècle fut tout d’abord église paroissiale. Devenu simple chapelle lorsque Polier fut réunie à Villebret, il dépendait jadis de Menat, ce qui explique l’influence auvergnate de son architecture à la différence du monument précédent. On remarque notamment les magnifiques pentures du portail. Ce travail soigné de ferronnerie avec volutes, visage et serpents rappelle Ébreuil, Fleuriel, ou la grille du chœur d’Huriel. Laissée à l’abandon pendant des décennies, la chapelle bénéficia d’une restauration en 1996. Remarquons que, depuis l’excursion de nos aînés associatifs, « Pollier » a perdu un « l » !

Le portail et les pentures de l’église de Polier

Ayant pris soin de récupérer les clefs, le groupe – auquel s’ajoute deux promeneurs – est invité à entrer par la petite porte latérale. Outre l’autel en bois style Louis XIII et une croix de procession du XVIe siècle, les statues en bois polychrome du XVIIe, dont un Saint-Roch et un Saint-Abdon, suscitent intérêt, curiosité, et même interrogation pour certaines. C’est dans une ambiance ludique et conviviale que la journée se clôture en beauté après moult remerciements aux organisateurs et participants. Le covoiturage s’achèvera à 20 h 00 sur le parking de départ. Satisfait de ses belles découvertes, chacun repartira, avec ses souvenirs, dans ses pénates bourbonnais.

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